Danse
La Création du Monde 1923-2012: conscience africaine !

La Création du Monde 1923-2012: conscience africaine !

21 June 2012 | PAR Fairouz Guedouar

Sur la scène du Théâtre de la Ville, Faustin Linyekula reprend et recrée La Création du Monde de Rolf de Maré de 1923. Le ballet nègre est là politisé par ce jeune chorégraphe congolais. Une heure et demie de réflexion à travers la danse…

En 1923 le fondateur des Ballets suédois, Rolf de Maré veut monter un spectacle sur “la création du monde”. Il confie alors le livret à Blaise Cendrars, la musique à Darius Milhaud, les décors et costumes à Fernand Léger et la chorégraphie à Jean Börlin. A une époque où l’on se passionne pour l’art primitif, l’idée vient presque naturellement de faire une création du monde dans une Afrique primitive, proche du paradis. La création eut lieu au Théâtre des Champs-Élysées le 25 octobre 1923, pour une exécution d’environ un quart d’heure.

La rencontre entre Faustin Linyekula et la Création du monde de Rolf de Maré se fait par l’intermédiaire du livre Du Noir au Nègre de Sylvie Chalaye, en 2005. Depuis le projet mûrit dans sa tête et la réaction grandit !

En 2006, Faustin Linyekula écrit The Dialogue Series: ii. Véritable ballet nègre, un texte destiné à l’origine pour le catalogue de l’exposition Montparnasse Noir, qui devint ensuite la base de son spectacle, qu’il rêvait de remonter avec l’Opéra de Paris. En faisant part de son projet à Didier Deschamps, directeur du Ballet de Lorraine de l’époque, ce dernier lui révéla que Millicent Hodson et Kenneth Archer, remontaient le ballet nègre après un travail historique, à l’occasion du centenaire de Fernand Léger à Genève. Une collaboration est donc née, le travail historique se mêle alors à la vision politique.

Du 31 mai au 3 juin le ballet a été représenté à l’Opéra national de Lorraine, il est arrivé à Paris, au Théâtre de la Ville ce 20 juin pour 4 représentations.

Pendant que le public s’installe , les deux, trois danseurs animent une combinaison couleur chair, comme pour l’étirer ou lui donner vie. Ce préambule nous prépare à l’heure et demie de spectacle. On y découvre alors la proposition de Faustin Linyekula dans une partie introductive. La troupe du ballet de Lorraine fait corps fasse au seul individu noir. Initialement habillés en sport wear, ils se déshabillent pour nous dévoiler leur justaucorps coloré. Ils s’adonnent alors à des mouvements syncopés, violemment contrôlés tout en étant souples. Une sorte de frénésie les emportent, ils courent, tremblent, se jettent au sol, jusqu’à ce que l’amour triomphe entre des couples au justaucorps de couleurs différentes. Les premiers sursauts de l’humanité étant passés, les décors descendent et les costumes sont dévoilés.

En guise de transition, un panneau représentant des figures africaines, se voit devenir la toile d’une danse à la façon d’ombre chinoise. Une fois le “rideau” levé, la deuxième partie commence. C’est le ballet de 1923 qui est là interprété, costumes colorés, des singes, des oiseaux exotiques, des personnages africains sont représentés. La scène se voit ornée de panneaux dévoilant des paysages désertiques, qui deviennent les toiles de fond de la chorégraphie de 90 ans. Visuellement c’est très beau, mais après quelques minutes de réflexion on prend conscience de la naïveté et de la caricature de l’Afrique que transmet le spectacle. La rupture entre la première et la deuxième partie est manifeste.

Lorsque l’on croit que le spectacle est terminé, étant donné que les danseurs saluent, de façon blême, le public, le danseur Djodjo Kasadi apparaît. Alors que tout au long de la représentation il rodait, muet, sur la scène il prend dans cette dernière partie la parole. A travers son interprétation du texte de Faustin Linyekula, qu’il ponctue de cris de rage et accompagne de la “danse de la honte” , Djodjo devient le porte voix du chorégraphe congolais, qui tend à dénoncer l’exotisme du bon nègre et la colonisation de son pays. Certains estiment que cette partie est de trop, pourtant il n’est pas de refus d’expliciter le pourquoi de cette reprise.

Plus qu’une oeuvre esthétique, La Création du Monde, 1923-2012, est une réflexion autant sur les métiers d’art, comme ici la danse qui tente de représenter des univers sans ses acteurs, dans le cas présent un ballet nègre sans danseur noir. La réflexion politique est là plus évidente. En somme c’est une très belle occasion de réfléchir sur l’histoire, afin de remettre en question le regard que l’on porte sur l’autre, quelle que soit sa différence finalement.

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Fairouz Guedouar

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