Cirque
Delphine Poueymidanet nous parle de la Nuit du Cirque

Delphine Poueymidanet nous parle de la Nuit du Cirque

09 November 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Du 11 au 13 novembre, la nuit se multiplie et devient Cirque, partout ! Delphine Poueymidanet, secrétaire générale de Territoires de Cirque nous parle de cet événement, grand sur la forme et le fond.

 

Cette année, le nombre de propositions donne une nouvelle fois le tournis ! 158, 246 rendez-vous, 10 pays ! Comment coordonnez-vous cela ?

Depuis la première édition de La Nuit du Cirque en 2019, l’événement a évolué et nous avons ajusté nos outils et notre organisation en fonction de ses nouveaux enjeux. La belle équipe de La Nuit du Cirque s’est étoffée. C’est le secrétariat général de Territoires de Cirque qui éditorialise et coordonne de manière générale l’opération. Mais le réseau est fortement mobilisé et certains partenaires participent également au développement et à la réalisation de la manifestation : des structures « relais », dans toutes les régions de France dont l’Ile de la Réunion, reçoivent et enregistrent les demandes d’inscriptions localement. À l’international, ce sont l’Institut français et Circostrada qui nous accompagnent depuis l’ouverture de la manifestation à l’international. C’est précieux. 

Depuis deux ans, BUZZ, réseau et plateforme fédérale consacrée au cirque contemporain, coordonne La Nuit du Cirque en Allemagne. ProCirque, l’association des professionnels des arts du cirque, nous a rejoints l’année dernière et mène ce travail en Suisse. 

 

Pouvez-vous me dire si une tendance se dessine au niveau du cirque européen ?

Pour ce que je perçois dans nos collaborations avec nos homologues européens pour la Nuit du Cirque, le cirque de création reste encore identifié comme « français », mais parce que surtout, vu de l’étranger, nous bénéficions d’une politique culturelle exemplaire et que le secteur, comparativement, est finalement très structuré. Le mode de recrutement international des écoles implique dès le départ une diversité culturelle qui imprègne évidemment la création. De nombreuses compagnies étrangères se sont emparé depuis longtemps du « cirque d’aujourd’hui », initié en France.  Le cirque s’exporte et s’importe, et il existe de nombreuses coopérations entre pays dans le suivi d’équipes artistiques. Plus qu’une tendance, c’est davantage une multitudes d’influences qu’on observe à mon sens. Éric Longequel et Johan Swartvagher, de la compagnie Ea Eo, ont l’habitude d’évoquer dans leurs pièces les artistes qui nourrissent leur travail. Dans Les Fauves, leur nouvelle création, ils convient Wes Peden, champion du monde de jonglage qui devient la “curiosité” de ce show pop rock. Avec Der Lauf des Vélocimanes associés et le Cirque du Bout du monde, on retrouve le décalage et la petite note d’humour propres au théâtre d’objet belge. 

Circusnext, label de cirque européen, est aussi une plateforme d’une trentaine de partenaires de 17 pays qui travaillent au repérage de nouveau talents à l’échelle internationale. Avec des propositions étonnantes qui s’inscrivent dans la veine d’un cirque expérimental, circusnext ouvre le regard sur ce que serait potentiellement le cirque demain. 

 

En France, la danse teinte le cirque : Alexander Vantournhout, Rachid Ouramdane… est-ce que dans Nuit du cirque, on retrouve ce mouvement ?

Historiquement, le cirque et la danse ont en commun un certain nombre d’influences. Ces deux arts du mouvement s’enrichissent également depuis longtemps au contact l’un de l’autre. Déjà dans les années 1980, à l’émergence du nouveau cirque, Archaos et Le Cirque Plume allaient chercher outils et concepts dans l’art chorégraphique pour se renouveler. La danse a aussi développé un goût pour le risque et les collaborations entre circassiens, chorégraphes et danseurs se sont très rapidement développées. Josef Nadj, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux ont mis en scène les spectacles de fin d’étude des étudiants du CNAC (Centre national des arts du cirque), Philippe Découflé, Kader Attou et bien d’autres chorégraphes ont écrit pour ou sur le cirque et ont sollicité des artistes de cirque dans leurs créations. 

La rencontre avec la danse a sans doute permis au cirque de se dégager du seul risque et de son efficacité physique pour développer un corps plus nuancé et redéfinir la notion même de virtuosité. Bien que de fortes spécificités demeurent, c’est vrai que les frontières sont parfois ténues entre danse et cirque dans le travail de nombreuses compagnies de cirque : Alexander Vantournhout qui vient de la danse, la Compagnie XY qui a collaboré avec Rachid Ouramdane, bien sûr. On pourra aussi découvrir toute la richesse de ce croisement lors de La Nuit du Cirque avec les spectacles Dans l’Espace de la compagnie Un loup pour l’homme, Out of the Blue de Fréderic Vernier et Sébastien Davis-Vangelder, Naufragata de Circo Zoé, V(ou)ivres de RaieManta Cie, Nyue de la Cie EIA, Borderless de Seb et Blanca, Ali de la Cie MPTA – Mathurin Bolze et Hèdi Thabet…

 

C’est la 4e édition de Nuit du Cirque, comment l’événement a-t-il évolué avant et après le Covid ?

La première Nuit du Cirque se déroulait sur une seule date. Dès la deuxième édition, les écoles de cirque ont voulu rejoindre la manifestation et nous avons étendu le format à 72h, ce qui a permis d’organiser des ateliers ou de proposer des spectacles en direction des familles en journée. Elle s’ouvrait aussi à l’international. Avec le confinement, La Nuit du Cirque s’est reformulée en numérique. C’est l’année dernière que nous avons célébré les retrouvailles des artistes avec le public. Malgré la fragilité des équipes, des lieux comme des compagnies, 136 structures ont participé à l’événement en présentant 160 propositions artistiques, 11 pays se sont associés à l’événement. La Nuit du Cirque a réuni 38500 personnes. Cette nouvelle édition vient confirmer la mobilisation nationale et internationale. Montrer la vivacité et la diversité du cirque de création reste notre objectif premier.  

 

L’année dernière, j’avais demandé à Philippe Le Gal de m’informer sur la fin des animaux dans les cirques. Il m’avait dit que c’était acquis. Est-ce toujours le cas ? Et pour aller plus loin, y a-t-il une mise en commun des bonnes pratiques écologiques ?

Effectivement, depuis le 30 novembre 2021, un texte a été voté : il envisage l’interdiction générale de l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums d’ici 2028, ainsi que l’interdiction de l’acquisition et de l’élevage d’animaux sauvages dans les cirques à partir de 2023. C’est une véritable et souvent difficile transition qui s’est engagée pour ces cirques. 

Si nous avons travaillé ensemble sur l’écriture de la Charte Droit de Cité et avons échangé avec certaines entreprises de cirque durant la pandémie sur nos modalités de fonctionnement, nous n’avons pas mené un travail spécifique de mise en commun de nos bonnes pratiques écologiques. Ceci étant, le ministère de la Culture avec qui nous travaillons sur ces questions, d’autant plus pressantes dans le contexte actuel, est également l’interlocuteur des cirques traditionnels et familiaux. Le SCC, Syndicat des cirques et compagnies de création qui représente majoritairement les compagnies subventionnées, siège également à la Commission nationale des professions foraines et circassiennes. Sans être toujours formalisées, les informations se transmettent. Et nous rencontrons déjà des « enfants de la balle » dans le cirque de création. Dans des esthétiques différentes, la famille Morallès ou Marie Molliens, de la Compagnie Rasposo, montrent l’importance de la transmission et de la tradition dans le cirque actuel.

 

Toutes les informations pratiques sur La Nuit du Cirque sont ici.

Visuel : © L Giret

Les mots s’improsent : l’envolée lyrique et comique de Félix Radu
Chostakovitch révélé à la Philharmonie
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration