Théâtre
Tartuffe d’après Tartuffe de Molière : le bonheur d’être “tartuffié” !

Tartuffe d’après Tartuffe de Molière : le bonheur d’être “tartuffié” !

12 January 2012 | PAR Audrey Chaix

Dans la maison d’Orgon, l’heure est grave : aveuglé par les ronds de jambes d’un faux dévot, le maître de maison refuse de voir la vérité en face et accorde tout à Tartuffe, de sa fille à son héritage… Dans le cadre du Théâtre Permanent de Gwenaël Morin, ce Tartuffe d’après Tartuffe de Molière, créé en 2009 au laboratoire d’Aubervilliers, offre une relecture haletante et exaltée de la pièce de Molière.

Tartuffe en 1h20, le pari était audacieux. La mise en scène le remporte en misant sur la rapidité : les personnages courent dans tous les sens, envahissent le plateau tout autant que les gradins alors que le cou des spectateurs tourne à 360° pour les suivre jusqu’aux derniers rangs de la salle. Les vers sont délivrés avec maîtrise – la plupart du temps, à une vitesse qui sert le rythme de la comédie. Seul bémol : les comédiens parlent si vite parfois, qu’ils en deviennent incompréhensibles… Malgré cela, dans l’ensemble, cette rapidité imposée à l’action fait naître une tension de plus en plus vertigineuse qui laisse le spectateur essoufflé, hors d’haleine alors que se finit la pièce.

Cette fin laisse d’ailleurs bien perplexe, et permet de mettre en lumière le parti pris choisi par Gwenaël Morin : si Tartuffe, formidablement campé par Julian Eggerickx,  reste un personnage clef de la pièce, Orgon en est l’épicentre. Grégoire Monsaigeon interprète avec justesse la folie de ce bourgeois aveuglé par Tartuffe. Afin d’unir le faux dévot à la famille, il entreprend de lui donner sa fille en mariage : il saisit cette dernière par le cou avec violence pour lui annoncer la nouvelle, et les mouvements de son bassin suggèrent le désir incestueux qu’il ressent pour Marianne – également interprétée par Julian Eggerickx, incarnation des deux passions d’Orgon.

Autour de ce personnage aveuglé, qui réclame le noir dès que les membres de sa famille tentent de lui faire voir clair dans le jeu de Tarfuffe, gravite une galerie de personnages aussi drôles que pertinents. Dorine, la servante de la maison, est jouée par Renaud Béchet : intelligente, impertinente, elle tente de raisonner son maître, elle est celle qui fait la lumière avec un briquet alors que s’éteint la bougie que tous se passent comme un flambeau tout au long de la pièce. Elmire, interprétée par Olivia Willaumez, incarne le pragmatisme rationnel d’une femme qui voit sa maisonnée mise en danger, sa vertu mise en question. Son frère Cléante joue le maître de cérémonie, alors qu’il frappe les trois coups qui annoncent le début de la pièce. Enfin, le jeune Damis, fils d’Orgon, est incarné avec beaucoup d’humour par Ulysse Pujo, qui joue la carte de l’adolescent vengeur, mais maladroit pour dénoncer les méfaits de Tartuffe.

Enfin, le dernier personnage, central dans cette mise en scène, c’est le théâtre : à chaque fois que la bougie s’éteint et que celui qui la porte s’exclame “feu !” pour qu’on la lui rallume, le mot “théâtre” est crié par les comédiens au même titre que ceux de Molière et de Tartuffe. Ce jeu de scène récurrent montre également comment tombe le quatrième mur dès les premiers vers : à plusieurs reprises, alors que s’éteignait la bougie, quelques “feu !” fusaient de la salle, révélant ainsi l’implication du public. Gwenaël Morin montre ainsi comment mettre au jour les artifices du théâtre ne nuit en rien à l’implication des spectateurs dans la pièce : les comédiens s’adressent au public, dévoilent les coulisses en s’adressant à la régie, et pas un moment l’illusion théâtrale n’est rompue.

Pour finir, un seul conseil : si ce Tartuffe passe près de chez vous, courez-y !

 

 

 

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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