Théâtre
Schiaretti signe un majestueux Ruy Blas

Schiaretti signe un majestueux Ruy Blas

07 January 2012 | PAR Christophe Candoni

La mise en scène de Ruy Blas réalisée par Christian Schiaretti, reprise à Sceaux jusqu’à la fin du mois de janvier, est un évènement à plus d’un titre. La production a fait l’inauguration du nouveau TNP en novembre dernier, rouvert après quatre ans de travaux ; et ce n’est pas un hasard si Schiaretti a choisi pour l’occasion de mettre à l’affiche la pièce de Victor Hugo. Vu lors de la première représentation aux Gémeaux, le spectacle laisse pantois de beauté, d’intelligence, d’excellence.

« Ver de terre amoureux d’une étoile », Ruy Blas, pauvre laquais, est forcément indigne d’aimer une Reine. Et pourtant, il en est fou amoureux, adorateur secret qui dépose chaque jour au jardin des bouquets de fleurs sur le banc préféré de son aimée et lui envoie des lettres à la dérobée. Ainsi, il marche dans le piège machiavélique tendu par l’orgueilleux Salluste, chassé et conduit sur le chemin de l’exil, motivé par une vengeance amère. En 1838, Hugo décrit une société de Cour où les puissants se remplissent les poches pendant que l’Espagne tombe, raconte l’oppression exercée par le pouvoir établi sur le peuple qui ploie sous la corruption et l’immoralité de la noblesse. Complot, sacrifice, amour impossible, meurtre, héroïsme et pathétisme, grotesque, mélodrame et lyrisme, tout est dans Ruy Blas, l’intrigue est passionnante et le texte toujours d’actualité.

Schiaretti monte la pièce avec un classicisme en rien poussiéreux, à la fois épuré et flamboyant qui ne confine jamais au maniérisme. Les mots y occupent le premier plan, formidablement dits et audibles. Le sens s’y délivre clairement sans renoncer à la complexité des choses. Sans suivre les modes, son théâtre est universel parce qu’il se nourrit d’hier en regardant demain, parce que la tradition et la mémoire théâtrales y sont convoquées et partageables par tous. Les costumes de Thibaut Welchlin sont somptueux. Pour figurer le palais madrilène dans lequel se joue l’action, le scénographe Rudy Sabounghi recompose un espace vilardien, large plateau nu et hauts murs de faïences colorées dans lesquels sont dissimulées des portes. Y souffle le vent d’une jeunesse qui éblouit au côté d’acteurs plus confirmés.

S’il a été évoqué quelques disparités dans la distribution au moment de la création à Villeurbanne, aucune trace ne persiste pour sa reprise parisienne. Unis par un bel esprit de troupe, les acteurs affichent une merveilleuse homogénéité plutôt qu’un vain vedettariat. Robin Renucci, excellent Salluste, effrayant, sombre et droit, et Jérôme Kircher, superbement fin et drôle, dominent la soirée. En face, une magnifique jeunesse trouve le juste répondant à commencer par le très talentueux Nicolas Gonzales, royal dans le rôle-titre, fougueux et touchant, on palpite avec lui. Juliette Rizoud est la femme du Roi Charles II qui s’ennuie à mourir loin de son Allemagne natale. Elle est jolie et possède la jeunesse noble, rayonnante, l’appétit de vivre et de liberté de la Reine brimée dont l’esprit est davantage tourné vers l’amour qu’aux dévotions.

La pièce se termine par le célèbre « Merci » de Ruy Blas mourant. Adressons-le à l’auteur de ce grand spectacle, Christian Schiaretti, éclaireur des textes classiques, et à la belle troupe qu’il dirige.

 

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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