Arts

Gisèle Freund, paysage d’un Paris littéraire

01 November 2011 | PAR La Rédaction

La 16e exposition de la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent sillonne le Paris littéraire, de Jean Cocteau à James Joyce en passant par Virginia Woolf, le tout en image.

“Je les ai possédés complètement”. Voici comment Gisèle Freund parle des auteurs qu’elle a photographié. Elle pénètre à Paris dans un milieu littéraire et artistique dans lequel les femmes sont en minorité. Femme à poigne, elle réplique et interpelle les auteurs, ce qu’elle rappelle dans le film de Jérôme Prieur qui clôt l’exposition. Parlant aux auteurs, elle dit les désinhiber et les “posséder”, capturés dans son petit Leica III de poche, celui avec lequel elle fit ses premiers essais photographiques.

Les années choisies et présentées sont décisives (1933-40), correspondant à l’éléction d’A. Hitler, alors que la photographe fuit l’Allemagne nazie et se réfugie en France. Ces portraits disent donc quelque chose d’une époque aujourd’hui révolue, d’un Paris littéraire que l’on aime revisiter. Une centaine de tirages et de nombreux documents d’archive nous invitent à ce voyage permis grace à un partenariat avec l’Imec (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) et le soutien du Fonds MCC (Fonds Mémoire de la création contemporaine) à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.

Si archive il y a, c’est que le reportage prend corps dans l’hebdomadaire de Lucien Vogel, Vu, structurant un genre photographique dont l’avenir sera lumineux. Bien que les pellicules couleur soient encore rares et chères, Gisèle Freund les adopte très tôt, dès 1939 pour la publication de son portrait de J. Joyce dans Time Magazine. Elle travaille avec ces premières pellicules, les Agfacolor (et éventuellement la Kodachrome), innovant et séduisant Adrienne Monnier par son goût pour les tonalités réalistes du support argentique. C’est rue de l’Odéon que seront réalisés la plupart des portraits ici présentés, chez la libraire qui deviendra son amie. Cette dernière publiera d’ailleurs la thèse de photographe de Gisèle Freund en 1936 et projettera ses photographies couleur en devanture. Considérée comme un pis-aller à l’époque, la photographie couleur lui permet d’exprimer l’inexprimable, la douceur des visages. “Il s’agit de voir en tonalités” rappelle-t-elle. Tonalités effacées aujourd’hui mais qui impriment les mémoires des journalistes et auteurs des années quarante.

L’artiste continuera ce travail jusqu’à son second exode en juin 1940 vers Buenos Aires et l’Argentine, qu’elle fréquentera régulièrement à partir de 1947, une fois entrée à l’agence Magnum. De retour en Europe, elle signa de nouveaux portraits ce qui lui valu une exposition au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris en 1968, qui font écho à l’exposition de Martine Franck en ce moment présentée à la MEP. Une belle rétrospective nous est présentée ici, dont la scénographie, signée par l’agence NC, fait pénétrer le spectateur dans le monde bibliophile de Gisèle Freund et qui le laisse errer dans les archives et revues de presse de la journaliste, entre manuscrits et iPad. Les devantures de la librairie d’Adrienne Monnier sont recréées, les portraits affichés ou projetés en un cabinet de curiosités littéraires.

Bref, l’exposition propose un véritable “itinéraire” photographique, selon l’expression de Gisèle Freund, des livres aux images et/ou inversement.

Valentine Umansky

Réédition de “Deux” d’Irène Némirovsky chez Albin Michel
Quand la photographie culinaire se frotte à la Street Food…
La Rédaction

3 thoughts on “Gisèle Freund, paysage d’un Paris littéraire”

Commentaire(s)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration