Théâtre
Les Chaises du 3ème OEil, magnifiques!

Les Chaises du 3ème OEil, magnifiques!

24 October 2011 | PAR Emma Letellier

Samedi 15 octobre, le Théâtre de la Tempête présentait Les Chaises d’Eugène Ionesco dans une mise en scène de Philippe Adrien. Le spectacle, créé à Avignon en juillet dernier est coproduit par la Tempête et la Compagnie du 3ème Œil de Bruno Netter. Un spectacle magnifique et une véritable performance de comédiens pour qui le jeu apparaît comme une nécessité, « le désir de théâtre ne connaissant pas la nuit » (B. Netter).

Séjour cylindrique et métallique, le plateau des Chaises semble un Dépeupleur sous-marin, pour lequel deux hublots ont été percés vers la surface aqueuse qui l’entoure. Un bruit d’eau court par intermittence près de cet habitacle des tréfonds, et, à l’intérieur, des chaises, empilées par dizaines, forment d’impossibles tas. Au centre, deux silhouettes à la peau parcheminée, voûtées et décaties, s’avancent avec lenteur vers le souvenir des années passées et le projet fantaisiste d’une cérémonie de clôture. C’est l’amour qui se termine ici, soixante quinze années de vie commune, une carrière de concierge et l’absence de tout le reste. Mais si ce soir les invités vont venir, si ce soir le Vieux pourra révéler son message à l’humanité, le naufrage n’aura peut-être pourtant pas lieu. Et demain, comme hier, sans doute, la même abstraction se répétera dans un sombre vertige pour lequel le ciel noir clair ne cesse de s’obscurcir. Le vide de leur existence remplit leur vie et le théâtre d’Eugène Ionesco ne s’édifie alors plus que sur la récréation de débris passés et sans cesse ressassés. Il n’y a rien d’autre que le rien pour être, et Sémiramis de sommer son chou : « Pour nous distraire, fais semblant comme l’autre soir. ».

Dans une parfaite orchestration des mouvements et des rythmes, Philippe Adrien parvient à représenter la spirale métaphysique dans laquelle le spectateur est entraîné. S’offre ainsi au public une éternité où la vieillesse s’étire, où le corps s’avilit, où le langage s’extrait de sa fonction performative pour ne plus être qu’expression. Et dans cette « farce tragique », Ionesco lui-même avoue ne plus savoir « si le réel est plus vrai que l’irréel ou le contraire ». Petit à petit, les personnages s’enfoncent dans le non-sens, tandis que dans un mouvement inverse, le public tente d’y retrouver l’essentiel.

Alexis Rangheard a cent ans, il joue des inflexions de sa voix et adopte avec précision le branlement statique de la vieillesse. Le Vieux marmonne, injurie et crie, il rit et il pleure de sorte que l’exactitude de l’écriture acquiert ici toute l’ampleur qui lui est nécessaire. Ensemble avec Monica Companys, ils offrent à Sémiramis et à son mari une incarnation qui parvient à rendre avec finesse l’hésitation entre joie et tristesse proprement humaine décrite par l’auteur. Même si la fin tragique semble proche, la comédie continue. Le metteur en scène ne « lâche pas l’insolite au profit du pathétique » car, précise Eugène Ionesco, « le monde n’est qu’une farce ».

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