Politique culturelle
Du Sionisme à la Nakba, Denis Charbit eclaire les concepts

Du Sionisme à la Nakba, Denis Charbit eclaire les concepts

15 October 2011 | PAR Amelie Blaustein Niddam

A l’occasion de notre dossier Israël-Palestine nous avons demandé au professeur Denis Charbit de répondre à des questions d’enjeux taxinomiques.  Il enseigne la science politique à l’ Université ouverte d’Israël, Raanana. Il a publié récemment deux articles “Le printemps arabe vu d’Israel: le doute contre l’espoir” La Revue internationale et stratégique n. 83, automne 2011et “Le sionisme: une idéologie de gauche ou de droite?”, Cités n47-48 octobre 2011.

Pouvez vous expliquer comment le terme sionisme est perçu comme une idéologie négative ?

Il semble en effet que le terme soit devenu sinon une insulte, du moins une idéologie qui situe celui qui s’en réclame dans le camp des idéologies de l’horreur et de l’abject, dans un douteux compagnonnage avec le nazisme, le fascisme et l’apartheid. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’alors que les trois premières idéologies citées ont toujours suscité le rejet, cela n’est pas le cas du sionisme qui a bénéficié au moins jusque dans les années 1970 d’une aura de sympathie et d’approbation de la part de Blum, Sartre, Malraux, Aron, Sarraute, Mitterrand, pour s’en tenir à la France, avec au sommet , l’invention du kibboutz, expérience unique de socialisme à visage humain qui avait aboli le salariat et respecté l’autonomie de l’individu. Qu’est-ce qui explique cette dégradation dans l’opinion? Je discerne deux types d’explication. Face à une critique systématique qui vise à faire d’Israël le mal absolu non seulement égal, mais voire pire que le nazisme, la première estime que cet antisionisme viscéral n’est qu’une résurgence déguisée et à peine plus subtile d’un vieux fond antisémite qui s’exprime ainsi. Cette explication est une contre-attaque rhétorique : plutôt que de présenter le sionisme sous un autre jour, elle pousse l’adversaire du sionisme dans la défensive car évidement, il doit aussitôt donner des preuves qu’il en est indemne. La seconde explication est d’ordre conjoncturelle : elle explique que cette mutation de l’estime au rejet tient au fait que quarante ans après la guerre des six jours et la détention par Israël des territoires occupés, le sionisme autrefois synonyme de libération est perçu désormais comme synonyme d’oppression. Doutant de la volonté d’Israël de se retirer des territoires, la réaction consiste alors à délégitimer l’idée même qui a présidé à la création de l’Etat d’Israël et demeure, à ce jour, son idéologie officielle.

Le sionisme est cette idée réductible à cinq propositions dont le mouvement du même nom s’est donné pour but de les réaliser par une action appropriée:

1)Les Juifs sont une nation

2)En tant que nation, ils réclament un territoire, lequel pour des raisons historiques et culturelles ne peut être que la Terre d’Israël

3) Rassemblés sur cette terre, ils entendent y créer un Etat démocratique – l’Etat d’Israël et, depuis sa proclamation, assurer son existence envers et contre toutes les contestations dont il est l’objet.

4) La langue nationale est l’hébreu

5)La vocation de l’Etat est d’assurer la prospérité de tous ses habitants et d’offrir à tout juif de diaspora qui le demande, la nationalité israélienne pourvu qu’il se rende et s’établisse en Israël (loi du retour). Concernant le territoire, les sionistes sont partagés entre ceux qui exigent le maintien de la présence civile et militaire en Judée-Samarie (nom hébraïque de la Cisjordanie) et ceux qui sont disposés , moyennant garanties de sécurité et arrangements territoriaux le retrait d’Israël aux frontières de 1967.

Une légère polémique a vu le jour suite aux déclarations de Lanzman sur une présence du mot Nakba dans certains manuels scolaires. Qu’est-ce que la Nakba ? Ce terme est-il utilisé par les israéliens  ?

La Nakba est le terme par lequel les Arabes ont qualifié la “catastrophe” survenue durant la guerre d’Indépendance. Le terme désigne principalement l’exode qui a touché près de 700 000 Palestiniens et qui a fait d’eux des réfugiés établis au Liban, en Jordanie et Cisjordanie et en Syrie. Par extension, elle désigne la défaite militaire arabe subi face aux Israéliens qui sont parvenus à proclamer leur Etat et à le maintenir. Le terme forgé au début des années 1950 a été pris diffusion internationale au cours de cette dernière décennie. En Israël, le mot est employé dans le discours public, dans les media, à l’université et à l’école. Néanmoins, une proposition de loi déposée à la Knesset réclame l’interdiction de tout financement public de sa commémoration, notamment sa prise en charge par les municipalités.

Pouvez vous revenir sur le vote du 23 septembre ?

Le 23 septembre, Mahmoud Abbas a déposé officiellement une demande d’admission auprès du secrétaire général de l’ONU. Mais , d’une part, le vote a été repoussé au mois d’octobre et d’autre part, Obama a, d’ores et déjà, annoncé qu’en cas de vote majoritaire des membres du conseil de Sécurité, le délégué américain utiliserait son droit de veto. Aussi, en Israël, la réaction a été celle d’un soulagement. Mais l’affaire n’est pas close et il est vraisemblable que Mahmoud Abbas s’adressera à l’Assemblée générale et que la résolution passera à ceci près que la Palestine ne pourra être reconnue que comme un Etat non-membre de l’ONU disposant, à ce titre, d’un statut d’observateur amélioré par rapport à celui dont l’OLP bénéficie aujourd’hui.

Il est à prévoir que loin de favoriser le retour à la négociation dans un climat détendu et constructif, l’Autorité palestinienne cherchera à isoler un peu plus Israël sur la scène internationale par des recours juridiques et des demandes de sanction économique. C’est donc à un bras de fer qu’il faut s’attendre.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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