Musique

Songbirds Singing, le lumineux premier EP solo de Cleo T

26 July 2011 | PAR Mikaël Faujour

C’est avec un EP de toute beauté que Cleo T inaugure sa discographie solo. L’ex-chanteuse de 21 Love Hotel et ses musiciens se sont offert un producteur de premier plan en la personne de John Parish (16 Horsepower, PJ Harvey, Dominique A…). Le résultat, qui voisine avec Calexico, Kate Bush ou les élans américanophiles de Jean-Louis Murat, est une très enthousiasmante réussite, qui laisse espérer une carrière à l’avenant.

C’est d’abord comme membre 21 Love Hotel que nous avions découvert Cleo T. Le duo parisien, qui a connu son succès sur la scène musicale de la capitale, était invité par les Fitzcarraldo Sessions (id est : Jack the Ripper moins son chanteur) pour le superbe album We Hear Voices, paru fin 2009, dont nous avions alors beaucoup parlé.

Dans la foulée, elle se lance dans une carrière solo, rode ses chansons avec ses acolytes. Nous les avions d’ailleurs filmés en novembre avant une série de concerts précédant l’enregistrement de cet EP, dont un au Batofar, où l’on avait pu mesurer l’art de tenir la scène entre cabaret expressionniste et ambiances western. C’est donc à London, sous la supervision de Maître John Parish, que la fine équipe a enregistré un EP de 5 titres qui non seulement en confirme le talent, mais surpasse les espoirs suscités.

Cinq titres, donc, de « dream folk and gloomy cabaret » d’après le communiqué de presse du label. Et sans être tout à fait exacte, l’expression rend néanmoins relativement compte de la musique enchanteresse de Cleo T et sa bande, d’un dramatisme tout de nuances et de finesse. « I Love Me, I Love Me Not » ouvre l’album avec des sonorités éthérées et un bourdonnement de contrebasse – rappelant d’ailleurs les fins arrangements de la grande Olivia Pedroli – avant l’entrée d’arpèges de piano délicats, lançant une ritournelle lancinante et mélancolique, accompagnant la voix particulière de Cleo T, mi-enfantine, mi-brisée, gracile et dolente. Le rythme, scandé par des saillies de violon, le progressif emportement de l’ensemble des instruments qui monte et s’amplifie, parachèvent une chanson délicieuse qui laisse dès le début très curieux de la suite.

Et la suite, autant le dire derechef, est à l’avenant, d’autant qu’elle bénéficie d’une implication que l’on devine très active de Maître Parish. L’homme apporte son brio, particulièrement évident dans le parfait « Columbine », où en impressionniste, il pose avec une merveilleuse délicatesse, des touches lumineuses de sax, de banjo, de slide guitar ou de glockenspiel (?), donnant tout son volume à une composition qui respire.

On pense un peu à Calexico (« Kingdom of Smoke » et ses trompettes crépusculaires), au Jean-Louis Murat post-Mustango (l’enlevée « We All » au violon virevoltant, qui rappelle d’ailleurs un peu Starboard Silend Side), voire Dominique A ; un peu à Kate Bush ou plus lointainement au dramatisme en piano/voix de Tori Amos. De toute évidence, l’influence est nord-américaine, tenant du rock, du folk et de la country… Très logique donc que Cleo T ait sollicité l’expertise de Mister Parish, l’homme qui réalisa de grands albums des très influents 16 Horsepower, Giant Sand ou Sparklehorse, tous tenants d’un métissage country/folk/rock.

Avec ses compositions d’ombre et de lumière, Songbirds Singing fait office de très remarquable étrenne pour la carrière solo de Cleo T. Peut-être semblables à la chanteuse elle-même, les chansons ont pour elles beauté et coquetterie, enserrant un chant fragile, à fleur d’âme. Ce qui est, peut-être, le plus bel et noble aveu d’amour de la vie : malgré les faux-semblants, ce sont notre vulnérabilité et notre dépendance à autrui qui font notre humanité et la force parfois effrayante de ce qu’est exister, dans sa superbe et dans sa fragilité, dans son poignant ou dans son pathétique. Cleo T ne dit pas autre chose (« We all need someone to hold onto ») ; sa beauté est dans l’aveu d’une fragilité humaine, qui n’a rien de la mièvrerie des piailleuses de la variet. C’est ça la classe. C’est ça surtout le talent.

Cleo T, Songbirds Singing, Believe, 2011

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