Musique
Live report : Tigran au Châtelet 25/03/2011

Live report : Tigran au Châtelet 25/03/2011

29 March 2011 | PAR Neil Saidi

Vendredi soir, le jeune pianiste âgé de 23 ans a conquis le théâtre du Châtelet. A 20h30 le public prend place, ça papote encore, on lève la tête (ou on la baisse selon sa place) pour admirer la beauté de la salle, on enlève sa veste, on se met à l’aise, il faut dire que les sièges rembourrés ne sont pas des plus désagréables. Etaient présents en tant que spectateurs, le jeune pianiste Thomas Enhco et le trompettiste Stéphane Belmondo, et oui Tigran au Théâtre du Châtelet ça ne se rate pas ! Tout comme le public, le piano devait attendre cette soirée avec impatience, ce n’est pas tous les jours que l’on peut se faire caresser les touches d’une si belle manière.

C’est le pianiste français d’origine arménienne Stéphane Kochoyan, une personne chère à Tigran et à qui il doit beaucoup, pour l’avoir repéré dès son plus jeune âge à Erevan et l’avoir pris sous son aile, qui introduit la soirée. Il nous annonce que le concert se déroulera en deux parties. Une première partie en solo, pendant laquelle Tigran interprétera les compositions de son dernier album « A Fable », et une seconde partie durant laquelle le pianiste sera accompagné par des invités-surprise. Et quelle belle surprise ! Permettez-moi d’entretenir un peu le suspense.

Tigran arrive sur la scène, il salue la salle élégamment sous un tonnerre d’applaudissements et se dirige vers la bête. Dès l’instant où il s’assoit le silence envahit la salle. Il cherche la position la plus confortable qui soit, tire les manches de sa chemise, il prend son temps. A peine ses doigts ont-ils effleurés les touches du piano que l’on sait à qui l’on a affaire. On reconnaît son jeu comme l’on reconnaîtrait le jeu d’un Thelonious Monk ou d’un Erroll Garner en moins de trois secondes d’écoute. Chaque note qu’il joue résonne dans tout son corps, le piano et lui ne forment qu’un. Il se lève, puis se rassoit, parfois il approche son visage tout près du clavier comme pour lui confier un secret. Il aime aussi chanter ce qu’il joue en même temps que ses doigts se baladent sur les touches du piano, on entend parfois sa voix quand elle n’est pas couverte par le son de l’instrument.

Pendant toute cette première partie, Tigran nous interprète donc des pièces de son dernier album : « The Spinners », « Samsara », « Someday My Prince Will Come », « Illusion » et d’autres encore. (vous trouverez une vidéo de la version live du morceau « Illusion » ci-dessous)

Puis vient l’entracte. On se demande qui pourront bien être les invités. Le groupe new-yorkais Kneebody est en concert au Duc des Lombards le lendemain dans le cadre du festival Tapage Nocturne. Deux de ses membres, Ben Wendel (saxophones) et Nate Wood (batterie) faisaient partie de l’ancien quintet du pianiste « Aratta Rebirth », un petit détour par le Châtelet ne semble donc pas improbable.

Pour le premier morceau de la seconde partie, Tigran est rejoint par le trompettiste Shane Endsley, qui est justement l’un des membres du groupe Kneebody. Les autres ne doivent pas être bien loin ! Ils nous interprètent un des morceaux de l’album « A Fable » intitulé « The Legend of the Moon ». Puis, nous ne nous étions pas trompés, c’est au tour du saxophoniste Ben Wendel de rejoindre Tigran pour une version en duo de la pièce qui a donné son nom à l’album: « A Fable ». Quel jeu de jambes de Ben Wendel ! Il se baisse, se relève, avance et recule tout en suivant le mouvement de ses phrases musicales. Pour la suite de la seconde partie, Tigran est rejoint par le percussionniste indien Trilok Gurtu, un artiste de renom qui a joué aux côtés de musiciens tels que Don Cherry, Joe Zawinul, Pat Metheny, Jan Garbarek ou encore John McLaughlin. Trilok commence par accorder son Tablâ, pendant que Tigran nous annonce qu’ils vont nous jouer un morceau folklorique arménien, qui n’a pas de nom. Le morceau suivant est une composition que Tigran a écrite spécialement pour Trilok. Le thème est énoncé par Tigran à la voix, le pianiste aime beaucoup chanter. Au bout de quelques minutes Tigran quitte le piano, attrape un micro, et se lance dans un dialogue scaté improvisé avec Trilok. On a déjà entendu Tigran se lancer dans ce genre d’improvisation, par exemple dans le morceau « Falling » sur l’Album « Red Hail » sorti en 2009 (il existe aussi une version live sur le plateau de « Ce Soir ou Jamais »), mais la manière dont Trilok Gurtu effectue cet exercice est quelque peu différente. Alors que Tigran se concentre plus sur les rythmes, et l’accentuation, un peu à la manière d’un batteur, Trilok lui, joue en plus avec la hauteur des notes. Pour ceux qui ont vu Star Wars Episode I : La menace fantôme, ça ressemble un peu à la langue des « Gungan », le peuple de Jar Jar Binks ! Un échange très amusant et très impressionnant, qui restera l’un des moments marquants de la soirée.

Pour le dernier morceau tous les musiciens se réunissent, Tigran bien sûr, Shane Endsley à la trompette, Ben Wendel cette fois au basson, Trilok Gurtu aux percussions, et Nate Wood (qui fait sa première apparition de la soirée) aux balais sur un tom de batterie. C’est le morceau « Carnaval », ce soir il est introduit par les chants de Trilok, qui s’accompagne d’une manière peu commune ! Sur scène un micro est installé au dessus d’un sceau d’eau, dans lequel Trilok immerge une espèce de collier, puis le ressort pour le laisser s’égoutter, puis le secoue. On s’imagine vraiment allongé non loin d’un petit ruisseau, on entend le bruit du vent qui fait frissonner les branches des arbres feuillus. Il frappe ensuite sur des cymbales qu’il immerge lentement dans le sceau d’eau, à écouter dans la deuxième vidéo postée ci-dessous.

Après un rappel bien mérité, Tigran revient pour nous jouer un dernier morceau en solo, une pièce très calme pour clôturer cette belle soirée.

Les mots ne pouvant se substituer à la musique, et heureusement d’ailleurs, je vous conseille vivement d’écouter les albums de ce musicien d’une singularité exceptionnelle, il y en a quatre au total. Les trois premiers « World Passion », « Red Hail » et « New Era » étant assez différents du dernier dans lequel le pianiste a voulu s’exprimer de manière plus libre, plus intime peut-être.

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Neil Saidi

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