Cinema

Nous, Princesses de Clèves, au cœur du système éducatif

17 February 2011 | PAR Olivia Leboyer

Régis Sauder livre un documentaire pudique et frappant sur l’éducation. Un film fort, qui a toute sa place au cinéma. Sortie le 30 mars 2011 (vous pouvez tenter de gagner vos places en participant à notre jeu concours).

On ne peut s’empêcher de penser à la fameuse phrase de Nicolas Sarkozy sur l’inutilité, à ses yeux, de faire lire aujourd’hui La Princesse de Clèves à l’école. Régis Sauder avait conçu l’idée du scénario, autour du roman de Madame de Lafayette, avant la polémique. Mais le film se présente bien comme une réponse, à la fois grave et pleine de panache, à Nicolas Sarkozy.
Des élèves d’un lycée des quartiers Nord de Marseille étudient le roman. Face caméra, un par un, ils nous font part de ce qui les touche dans ce texte. Des confidences naturelles et désarmantes, que l’on reçoit forcément avec émotion. Ces adolescents, fascinés par les jeux de pouvoir de la Cour, s’approprient véritablement La Princesse, s’amusant à transposer cet univers révolu dans leur propre espace. La prof de Lettres les pousse dans cette direction, insistant sur ce qu’il y a d’intemporel dans le roman. Le très beau premier plan nous montre ainsi l’enceinte du lycée, aux murs tristes, tandis qu’une voix off lit les premières lignes du roman, qui dépeignent justement l’univers clos et étouffant de la Cour. Or, le parallèle n’a rien de forcé. Il est troublant de voir à quel point les élèves sont heureux et fiers de comprendre la logique du texte. Spontanément, ils cherchent à s’identifier. « La Princesse de Clèves, tout le monde me dit que c’est moi… » confie avec un petit sourire la jolie fille de la classe, « j’ai un amoureux, mais il y a aussi cet autre garçon qui me plaît bien… ». Abou, quant à lui, déclare qu’il se reconnaît dans le Duc de Nemours car il est « un homme d’honneur ». Armelle explique avec maturité et une certaine tristesse qu’elle désire lire de la grande littérature et non pas une sous-littérature facile spécialement destinée aux établissements de banlieue jugés difficiles. La scène de la sortie scolaire au Musée du Louvre est simplement bouleversante.
Régis Sauder est également allé à la rencontre des parents, leur demandant ce qu’ils pensent de l’attitude de Madame de Chartres. Une gêne s’installe alors, certains parents déroulant des phrases toutes faites sur l’éducation, un peu perdus face à la caméra. Les jeunes, eux, sont à l’aise et semblent s’amuser de ces travestissements, n’hésitant pas à livrer des confidences très intimes.
On a vu de nombreux films sur l’éducation, comme L’Esquive d’Abellatif Kechiche ou Entre les murs de Laurent Cantet, tous deux très réussis. En quoi Nous, Princesses de Clèves se distingue-t-il ? La forme du documentaire, le titre délibérément provocateur, peuvent, a priori, rebuter certains spectateurs. Mais ce film, très court, étonne et séduit par sa fraîcheur et sa sincérité. A la fois plein d’espoir et fondamentalement triste, il donne vraiment à réfléchir sur les blocages de notre système scolaire.

Nous, Princesses de Clèves, de Régis Sauder, France, 69 min, avec Abou Achoumani, Laura Badrane, Morgane Badrane, Manel, Boulaabi, Virginie Da Vega, Armelle Diakese, Mona M’Tira, Cadiatou N’Diaye, Aurore Pastor, etc. Sortie le 30 mars 2011.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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