Cinema

Critique du film Pina de Wim Wenders présenté en hors-compétiton au Festival de Berlin

16 February 2011 | PAR La Rédaction

Critique de Pierre Eugène pour notre partenaire “Berlinale im Dialog” ( http://www.critic.de/berlinale-im-dialog/ ) sur le très attendu “Pina” sur Pina Bausch par le grand Wim Wenders présenté hors compétition au Festival de Berlin. Le film avait été retardé par la mort brutale de la Chorégraphe qui aurait du le co-réaliser avec Wim Wenders.

« L’espace-mouvement » critique de Pierre Eugène :

Pina, film de Wim Wenders sur Pina Bausch, était très attendu ; et pour cause : il représente une expérience radicalement nouvelle d’utilisation du cinéma 3D, à la fois en tant que documentaire, mais aussi par son sujet, celui de filmer la danse et les corps en mouvements. L’objectif du film est donc d’abord celui d’une prouesse technique : arriver à capter avec le plus de précision possible, aidé d’un appareillage complexe et encombrant, les mouvements parfois infimes que peuvent produire les danseurs.

Le film était destiné à être réalisé en collaboration avec Pina Bausch plutôt que sur elle, mais sa mort brutale a remis en cause le projet. Wenders ne l’a mis en route qu’à la demande répétée de ses danseurs. Il s’agit moins d’un film sur Pina Baush qu’un hommage à son travail. Car du travail, on ne parle que ça, que ce soit les difficultés éblouissantes des pièces de Bausch — virtuosité et talent immense des danseurs — aux interviews de ces mêmes danseurs qui racontent « le travail avec Pina ».

Si le film a un mérite, c’est bien celui-là : il montre bien la qualité exceptionnelle des œuvres de la chorégraphe, son inventivité, la magie des gestes et l’émotion qu’ils procurent. Wenders n’hésite pas à entrer à l’intérieur de la scène, la scénariser un peu en orientant sa caméra sur des éléments du décor, modifiant les échelles, rendant certaines parties plus dramatiques (l’accent est mis, par exemple, sur la robe rouge du Sacre du printemps qui apparaît au premier plan, la caméra rasant le sol). Aux quatre spectacles filmés (Le Sacre du printemps, Kontakthof, Café Muller et Vollmond), Wenders a adjoint une petite chorégraphie interprétée par chaque danseur, sorte d’hommage personnel à celle qui les dirigeait. Prenant place dans des lieux publics (métro aérien, rue, parc…), ces petits moments de danse sont aussi très touchants et remarquablement exécutés.

Le film montre aussi des documents anciens de Pina Bausch en train de danser ou de diriger les danseurs lors de répétitions. Et c’est un peu là que le bat blesse. Ces images, un peu granuleuses, plates, aux couleurs vives et un peu fondues, semblent les plus belles du film. Mais pas seulement parce qu’elles sont des images d’archives, et pas seulement parce qu’on y voit Pina Bausch. Le questionnement qu’elles font naitre est en réalité aussi celui de l’utilité de la 3D. Certes, le procédé est intéressant : il offre un relief particulier et certains plans (notamment en extérieur) donnent parfois réellement la sensation de voir les danseurs bouger devant soi. Mais une scène de théâtre est, en quelque sorte, une mise à plat de la danse. C’est par son biais que nous percevons les mouvements, un peu comme des traits, que nous pouvons, peut-être moins les ressentir, mais les comprendre, les assimiler.

Or le rendu de la vidéo 3D telle qu’il est dans le film (et au vu du travail effectué par les techniciens du film, on peut dire que c’est également celui de ce dont la 3D est le mieux capable aujourd’hui), plutôt que de donner aux danseurs un corps plus matériel, semble au contraire les dématérialiser. Cette image lisse, très propre, très éclairée, au lieu de donner un surcroit de réalité, transforme les danseurs en avatars, en êtres synthétiques. Il leur manque du grain, des imperfections qui sont pour nous le signe d’un réel filmé.

Difficile de savoir si ce qui est en cause dans cette critique est dû à une absence d’éducation à l’image 3D, que cette éducation se fera et qu’on pourra revoir autrement, sans gêne, ces images comme un reflet du réel. Peut-être aussi que des progrès techniques sont nécessaires. Mais il semble que la manière dont elle est traitée fait que la 3D ne rend pas vraiment la danse plus intéressante qu’un rapport filmé en 2D. Cette question de l’apport esthétique est important, au delà de l’innovation technologique (toujours souhaitable dans l’absolu) qu’elle procure. Car lorsque dans le tournage de Café Muller, la caméra suit un danseur et que des chaises coupées par le cadre en bas de l’écran en ressortent, elles gênent la vision. Lorsque l’on montre des documents d’archive de Pina et, que pour justifier (et rappeler au spectateur) que le film est en 3D, on ajoute autour des rideaux numériques, la 3D a un air factice. Or, le problème majoritaire d’un film à défi technique, c’est justement d’être construit esthétiquement en fonction de cette technique. Voilà pourquoi les plans bougent sans cesse en de légers panoramiques, souvent inutiles, voilà pourquoi aussi on évite les plans d’ensemble, pourtant si importants dans des pièces telles que celles-ci.

On ne dit pas que Wim Wenders s’est laissé manger par sa technique. Mais si le projet de filmer la danse autrement est louable, la 3D ne peut être la seule raison suffisante. Ce film est traversé de beaux moments, et qui ne tiennent pas tous uniquement à Pina Bausch : les mises en scènes de danseurs seuls sont parfois d’une grande beauté, et l’idée de filmer à l’extérieur est aussi très intéressante. Mais il y a quelque chose de non abouti dans cette tentative. À gagner en espace, la 3D perd en rythme. Rien ne dit qu’un plan en 2D ou en 3D, à durée équivalente, donne la même sensation. Le cinéma 3D est à repenser intégralement, ce qui est d’une grande difficulté, à la fois pour le réalisateur, mais aussi pour le spectateur. Pina, en ce sens témoigne de cette difficulté. Mais il reste néanmoins un très beau témoignage, et montre pas mal de choses. On regrette simplement que Pina Bausch n’ait pas pu coréaliser le film, qui aurait peut-être pris une autre tournure.

Pina de Wim Wenders avec Pina Bausch en 3D sortie en salle le 6 avril 2011.


PINA de Wim Wenders

 Pour suivre en direct la 61ème Berlinale, rendez-vous sur le blog franco-allemand de notre partenaire “Berlinale im Dialog” ( http://www.critic.de/berlinale-im-dialog/)

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La Rédaction

4 thoughts on “Critique du film Pina de Wim Wenders présenté en hors-compétiton au Festival de Berlin”

Commentaire(s)

  • Ric

    J’allais tout juste cliquer sur votre bouton qui permet vous rejoindre sur FB et ainsi faire savoir autour de moi que je vous lis et peut-etre aussi donner envie a mes amis de vous suivre etc Mais avec une critique aussi vielle que celle de Mr. Pierre Eugène sur le film de Wenders sur PINA BAUSCH, il vaut mieux que j’ignore la critique et votre page, ce qui est vraiment domage car j’aimais bien votre design et votre presentation.
    Salutations

    April 25, 2011 at 22 h 52 min

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