Musique

CD : Bruce Springsteen, The Promise

12 December 2010 | PAR Raphael Czarny

Il y avait un vide entre Born to Run (1975) et Darkness on the Edge of Town (1978), passage, chez Springsteen, du romantisme adolescent à une noirceur plus adulte qui n’ira que s’accentuant, avec Nebraska (1982), Born in the USA (1984), The Ghost of Tom Joad (1995) et jusqu’au doux-amer Working on a Dream (2009), qui célébrait dernièrement, en mode mineur, l’élection de Barack Obama. Ce vide est désormais comblé puisque sort cette année une partie des enregistrements datant de 1977-1978, chansons trop colorées ou trop emportées pour entrer dans le monochrome Darkness on the Edge of Town.

Sous-titré The Lost Sessions : Darkness on the Edge of Town, The Promise est donc un ancien-nouvel album en deux parties. Soient 21 chansons légèrement remixées, avec les moyens modernes dont ne disposait pas à l’époque Bruce Springsteen. On y retrouve de purs éclats rock’n’roll comme « Outside Looking in », dont on jurerait presque que la voix est celle d’Elvis Presley, quelque chose d’un écho de juke-box sixties avec « Ain’t Good Enough for You », où le grognement un peu rauque du Boss se mue par instants en un crooning quasi-soul, le tempo binaire comme un cri primaire dans « It’s a Shame ».

Par ailleurs, l’époque (1978), comme le rappelle Springsteen lui-même dans le texte de présentation du dobule CD était celle de l’explosion du punk rock. On en retrouve ses accents dans le jeu rapide des guitares de « Wrong Side of the Street », quelque chose de cette émotion brut que l’on percevait aussi dans « Darkness », lorsque le chanteur parle plus qu’il ne chante « We loved each other ’till there was nothing left », presque à contre-courant des guitares qui carillonnent…

On trouve aussi dans The Promise l’original de « Because the Night », tube offert à Patti Smith, à l’énergie presque désespérée, ainsi qu’un bonus caché au fond de la dernière piste « City of Night », ballade folk sobre et lumineuse dont les notes de piano sont emportées par la voix de Springsteen comme une mer bercée par de légères vagues plus intenses que leur seul aspect pourrait le faire croire. Vient alors un blanc dont émerge soudain « The Way », berceuse grave à la splendeur austère.

On voyage, avec The Promise, dans la discographie du « Boss », retrouvant déjà dans les arrangements de « Rendezvous » quelque chose du « Working on a Dream » qui donnait son nom à l’album de 2009. Et que d’émotion lorsqu’on saisit, au milieu de « Candy’s Boy », ces quelques mots:  « Well there’s machines and there’s fire waiting for us on the edge of town »…

A l’image de la pochette du double-album qui montre Springsteen, assis sur sa voiture, sur une route abandonnée, entre le ciel immense parcouru de nuages blanchâtres et des champs déserts parsemés de petits cailloux, on est ici dans un espace intermédiaire. Entre la lumière chatoyante de Born to Run et les éclats noir et blancs de Darkness on the Edge of Town.

The Promise éclaire la carrière de Bruce Springsteen, certes. Mais, plus largement, c’est un grand album qui vient d’être porté à la lumière en cette année 2010. Un coffret comprenant un making-of de l’album et les carnets de notes du chanteur est également disponible, pour pousser plus loin cette fascinante exploration.

 

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Raphael Czarny

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