Musique

A la rencontre Lëk Sèn, citoyen du monde

22 October 2010 | PAR Jerome Gros

Le premier album solo du chanteur sénégalais Lëk Sèn, Burn, sort le 25 octobre. Alliant plusieurs styles de musique dans un style bien particulier, cet album est une merveille.

Lëk Sèn a grandi à Ngor, un village de pêcheurs proche de Dakar, au Sénégal. Très tôt, et parce qu’il « fallait choisir le bon chemin », il se met à chanter avec deux de ses amis, dans le groupe de rap/ragga/dancehall SSK. Il croise le chemin des musiciens de Louxor Station, Yvo Abadi, Miguel Saboga et Adrien Biehler (que l’on peut entendre dans le groupe rock Dream Baby Dream et aussi dans le groupe folk Ramona in Laponia), grâce à l’association A Suivre (qui dispense des cours en Afrique). Grâce à eux, le groupe enregistre un album, Jog Bala Nacc, en 2007 (produit par Louxor Station). Lëk Sen a même l’occasion de chanter dans un stade, en Guinée, dans le cadre d’un concours organisé par RFI en 2007, dans lequel il est finaliste (Le prix Découverte).

Parti vivre à Paris, il enregistre son premier album solo, Burn, avec l’aide des mêmes musiciens. Représentant parfaitement ses valeurs et ses convictions, ce premier album expose tout un univers hétéroclite, mélangeant des rythmes africains, folk, blues, reggae… le tout allié à la voix particulière de Lëk Sèn.

Lëk Sèn se considère comme citoyen du monde (même si certains pays lui sont encore interdits, ce qu’il ne conçoit pas) et cherche à parler au peuple, parler aux Africains tout d’abord, puis au monde par la suite. Il chante en wolof, l’une des langues du Sénégal, et en lebu, le dialecte de son ethnie homonyme, celle des pêcheurs. Il ne cherche pas à être une autre personne et veut montrer à la fois la richesse de son pays et la poésie de sa langue, à la fois sa particularité en tant que Sénégalais mais surtout en tant qu’Africain. Il ne trouve pas naturel de chanter dans une autre langue que sa langue natale et ce qu’il a à exprimer sort de son cœur directement en wolof. Après tout, la musique dépasse les frontières linguistiques pour nous emmener dans un autre monde plus haut, plus éclairé. (A noter : une traduction sera disponible sur internet).

C’est donc en wolof et en lebu qu’il s’exprime, afin de ne pas paraître, mais d’être. C’est d’ailleurs le thème de la chanson « Neekal » (« Sois toi-même »). Rien ne sert de paraître quelqu’un d’autre : chacun possède sa propre personnalité, sa propre force, qu’il doit exploiter sans changer, sans se laisser changer, sans être influencé. Si nous étions tous semblables, le monde serait inintéressant.

Nous avons discuté un peu (quelques heures), notamment sur le monde, sur son pays, sur l’Afrique, sur l’Europe. Lëk Sèn m’a alors expliqué qu’il parlait d’abord au peuple. Et c’est vers le peuple qu’il s’adresse quand il chante « Burn ». Dans le bon sens : brûler les mauvaises ondes qui détruisent ce monde, brûler le mal et ne garder que le positif. Arrêter de s’entretuer, parce que nous sommes tous humains, parce que nous sommes tous quelqu’un. Car tous unis, nous sommes « plus fort qu’un système » (à noter l’excellent « Rebel Blues », qui aborde ce sujet).

Car Lëk Sèn ne chante pas pour lui, il ne cherche pas à se mettre en valeur, à se montrer. Il chante pour une cause ; il chante pour le peuple. Ses textes sont universels et évoquent des problèmes généraux, notamment des problèmes africains. Il écrit alors « Enfant soldat » : le titre parle de lui-même.

Ce qui est extraordinaire à l’écoute de cet album, c’est qu’on est tout de suite plongé dans un autre univers, un autre espace-temps. L’album s’ouvre sur le morceau « Life », imbibé d’une culture africaine qui se transpose ici dans les percussions. Vient ensuite l’excellent « Rebel Blues », pour nous faire prendre de la vitesse et nous faire comprendre,  par un rythme plus rapide et une guitare qui domine le tout que nous sommes forts. Puis, ce qui sera le premier single, « Frica Sound ». « Fatteliku » (qu’on peut entendre sur l’extrait vidéo), est là encore marqué par ce rythme si particulier que les Africains savent créer et qui réussit à nous faire rêver…

Au rayon des collaborations : Kiddus I ajoute sa touche reggae sur « Neekal », ainsi que sur « Sa Nitee » au côté d’Amadou Bagayoko, moitié masculine des célèbres Amadou et Mariam. Cette collaboration de Kiddus I est exceptionnelle pour Lëk Sèn, qui l’écoutait étant jeune. Un rêve d’enfant qui devient réalité : collaborer avec ses « maîtres ».  « Massamba » est un exemple de dynamisme porté là encore par Amadou Bagayoko. Les titres « Amena Solo » ou encore « Ana Ngeen » sont plus lents, plus reposés. C’est parce que vient par la suite « Burn », évoqué plus haut.

Enfin, l’album se referme comme une page d’une nouvelle qui deviendra un roman, on l’espère, sur le titre « Yer Mande », en collaboration avec Mehdi Haddab (déjà présent sur « Amena Solo »), aux sonorités magnifiques, comme le début d’un rêve. Quand j’entends cette chanson je me vois revenir sur ce que j’ai fait, revoir mes erreurs, et avancer. Avancer.

Lëk Sèn, grâce à Louxor Station et à Makasound (label français créatif qui travaille avec Kiddus I ou Clinton Fearon, pour ne citer que les plus grands), nous offre donc une plongée dans les eaux souvent trop troubles d’un monde souvent très troublé. En définitive, Burn est un véritable trésor dans lequel se retrouvent, s’assemblent et se composent des styles et des genres différents, dans lequel peut-être la vie elle-même prend forme. Lëk Sèn a réussi à rassembler pour former, à mélanger pour mieux unir, à toucher le plus de monde possible, peut-être aussi parce c’est ce qui le caractérise : un mélange de vies et de cultures, une culture de la vie, lui qui est passé du Sénégal à la France, de Ngor aux salles de concert…

Burn : sortie le 25 octobre, Louxor Station
Lëk Sèn sera aussi en première partie de Clinton Fearon, le 26 octobre au New Morning

CONCERTS :
26/10 @ New Morning (+ Clinton Fearon)
29/10 @ Canal 93
03/11 @ la Dame de Canton (+ Yapa)
07/11 @ la Bellevilloise (+ Debademba + Victor Démé)
08/11 @ l’International (+ Congo Punk)
13/11 @3 Baudets (Festival Villes des Musiques du Monde).

Lëk Sèn en répétition, à Mains d’oeuvres, à St-Ouen :

Chris Klein, Guest Star dans la série The Good Guys
Lady Gaga à gogo, à la Galerie Chappe
Jerome Gros

5 thoughts on “A la rencontre Lëk Sèn, citoyen du monde”

Commentaire(s)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration