Humour
Le tango des poètes: Morel réanime Devos

Le tango des poètes: Morel réanime Devos

24 December 2018 | PAR Paul Fourier

François Morel dit et chante Devos au Théâtre du Rond-Point

Il fut un temps si lointain et si proche où des monstres occupaient les grandes salles de théâtre de France et illuminaient la télévision dans des émissions mythiques comme le Grand échiquier. Revoir Raymond Devos dans ses fausses improvisations – vrais sketchs devant un Jacques Chancel et un Henri Salvador, hilares, c’est toujours reprendre une bouffée de plaisir si légère et si vertigineuse qu’on en vient à se demander si cela a vraiment existé. Le clown faisait de sa corpulence une légèreté sautillante, plongeait dans l’absurde et jonglait avec les mots en jouant du concertina.
Bien des gens talentueux se sont cassé les dents à rendre hommage à ces saltimbanques géniaux qui avaient, non seulement inventé un langage singulier, mais également le personnage qui le déclamait avec ses attitudes et ses mimiques.

Mais, il y a parfois aussi des rencontres qui s’imposent ; celle de François Morel avec Raymond Devos apparaît comme une évidence tant des choses les rapprochent : une façon de triturer les mots avec légèreté et sans vulgarité, de retourner avec délectation des situations quotidiennement banales, de jouer avec l’actualité sans en avoir l’air.

Bien sûr, Morel n’a pas le physique de Devos et a dû faire sonner les mots du clown facétieux dans ce corps bien différent qui a grandi en scène sous d’autres influences. Il l’avoue aussi, il n’en a pas tous les talents. Mais l’un, et non des moindres, c’est de jeter un pont avec l’univers (absurde aussi) de la tribu des Deschiens. Des mots de Devos, des attitudes de Morel ; le mélange nous touche, nous fait rire et, parfois, nous émeut.

« Vous voudriez que je fasse comme tous ceux qui n’ont rien à dire et le garde pour eux ? »

On croise des gens bizarres qui arrachent des clous sans prévenir, des voisins d’en dessous qui veulent passer au-dessus parce que l’air y serait plus sain ou notre meilleur pote qui a fait siennes vos pantoufles … et votre femme. L’absurdité est reine et nous emmène, par le truchement d’un autre homme, sur des chemins de poésie pure.
Et puis, comme Devos en avait un, il y a ce complice musical (mais pas que !), Antoine Sahler, devenu une sorte de Monsieur Saladin qui s’étonne des bêtises proférées.
Alors que des mots sonnent étrangement, sur la scène du théâtre du Rond-Point en bas des Champs-Élysées (« si le gouvernement actuel n’est pas capable d’assurer la catastrophe, il est possible que l’opposition s’en empare »), lorsqu’un karaoké nous oblige à dire « je hais les murs qui sont en nous », on sait que l’actualité va nous rattraper à la sortie et qu’il faut savourer ce petit pas de côté.

François Morel n’hésite pas à s’en prendre à Jean-Sébastien Bach qui n’était un chef ni en java ni en tango ; on se dit pourtant que le pas de deux que l’artiste a entamé avec le maître Devos est une bien jolie danse.

© Paul Fourier

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Paul Fourier

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