Théâtre

Très jolie « Colombe » à la Comédie des Champs-Élysées

26 February 2010 | PAR Christophe Candoni

Jean Anouilh aurait eu 100 ans cette année. Le metteur en scène Michel Fagadau rend hommage à l’auteur dramatique, mal connu car boudé des scènes actuellement, en reprenant la très belle pièce « Colombe » qu’il avait déjà montée à son arrivée au Théâtre des Champs-Elysées en 1996. Sa nouvelle distribution est épatante. Un divertissement intelligent et réjouissant.

Michel Fagadau propose une mise en scène rigoureuse et fantaisiste. Il représente la pièce dans sa facture classique en gardant l’époque de la pièce, le milieu du XIXe siècle, ce qui est très bien car une transposition de ce texte ne serait pas crédible. Grâce à l’efficacité poétique du décor de Mathieu Dupuy et la beauté des costumes de Pascale Bordet, on se retrouve dans les coulisses sombres et miteuses d’un vieux théâtre plein d’âmes, Dans ses murs défraîchis, ses loges aux couleurs surannées, évoluent des personnages haut en couleur comme l’habilleuse (excellente Fabienne Chandat dans Madame Georges), le directeur du théâtre (drôle libidineux Etienne Draber). Julien part pour le service militaire et doit veiller au confort financier de la jeune femme qu’il aime, Colombe, et de leur petit enfant. Il vient trouver sa mère qu’il déteste, Madame Alexandra, une reine de théâtre, grande tragédienne au fort caractère, avec qui il est fâché pour lui demander son aide. Ainsi Colombe est introduite dans le monde « dévergondé » et lumineux du théâtre et devient comédienne. Elle charme tous les hommes et prend pour amant le frère de Julien, Armand (jeune dandy, très bon Benjamin Bellecour). Du théâtre à la vie, il n’y a qu’un pas et le drame n’est pas que sur scène. Julien, en permission, revient et la vérité éclate.

Malgré la longueur d’un texte, beau et plein d’esprit mais un peu bavard, Fagadau trouve le rythme parfait (les trois heures du spectacle passent si vite) et un juste équilibre entre la drôlerie des situations et le drame en tirant habilement la pièce vers son côté sombre. Il y a beaucoup d’humour et d’humanité dans le traitement des personnages et on retrouve le regard mélancolique et l’amertume de l’auteur. Il réunit de magnifiques acteurs, tous jouent avec envie et conviction. Anny Duperey, irrésistible, ne dissimule pas le plaisir qu’elle prend à camper cette courtisane sèche et dure qui a délaissé son fils. Elle entre vêtue de rouge, toutes plumes dehors, et on a l’impression qu’elle fait réapparaître le fantôme de Sarah Bernard qu’elle a incarné autrefois. Elle impose la hauteur sévère du personnage mêlée à une jubilation pleine d’éclats de rire et de voix, qui lui va bien. Elle montre aussi la souffrance de cette femme qui a voué sa vie au théâtre, y joue tous les soirs, irradie dans la lumière mais s’y épuise. Le vieillissement du personnage à la fin est saisissant. Jean-Paul Bordes joue le « Poète-Chéri » et réalise une composition burlesque, outrée. Sa voix ampoulée et ses manières superficielles font tordre de rire la salle. A l’opposé, le jeu douloureux et dramatique de Grégori Baquet, très juste dans Julien qu’il rend touchant, porte haut le cri de malheur du garçon. L’acteur met en lumière les contradictions du personnage, d’un côté l’intransigeance et la solitude d’un misanthrope qui trouve que la vie est grave et le monde trop laid, et de l’autre, l’amour fou bien que maladroit qu’il porte à Colombe. On apprécie aussi l’humanité pathétique, la sagesse de Rufus, acteur drôle et tendre. Enfin, Sara Giraudeau (la fille d’Anny Duperey et Bernard Giraudeau se fait vite un prénom) est une Colombe bourrée de charme, un petit bout de femme doté d’une forte personnalité et tellement fragile, idéale pour jouer ce « petit oiseau » qui prend son envol dans une course au bonheur au risque d’y perdre son innocence et sa pureté. Elle veut être heureuse ! Sa petite voix produit une douce musique. Son jeu est nuancé et double Elle passe de la petite ingénue enfantine à la femme épanouie qui assume ses désirs. Sa naïveté feinte pousse Armand à lui déclarer : « Cher ange, vous êtes le diable ».

Colombe, du mardi au samedi à 20h45, le samedi à 15h et le dimanche à 16h30. A la Comédie des Champs-Elysées, 15 avenue Montaigne, 8 arr. M° Alma Marceau. 01 53 23 99 19. www.comediedeschampselysees.com

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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