Musique

CD : Massive Attack, Heligoland

08 February 2010 | PAR Mikaël Faujour

Il s’agit là d’un des albums les plus attendus de l’année. Les fondateurs du trip-hop sont de retour, deux après l’autre plus éminent groupe du genre, Portishead et son fantastique Third… et surtout sept longues années après le controversé 100th Window. Une pléthore de collaborations de premier plan, des morceaux patiemment ouvragés, Heligoland montre un groupe au sommet de sa créativité.

L’enregistrement avait débuté en 2005 et sa sortie a été maintes fois annoncée puis reportée. Après un controversé – et pourtant vraiment beau – 100th Window, avec le seul Robert « 3D » del Naja aux manettes, Massive Attack avait quelque peu perdu de son aura.

Néanmoins, la longue gestation du cinquième album (4 ans), la réunion de Grant « Daddy G » Marshall et de « 3D », ainsi que les noms annoncés çà et là (de Hope Sandoval à Mike Patton en passant par Liz Fraser, Beth Orton, Patti Smith ou David Bowie – dont plusieurs n’ont tout simplement pu se faire) avaient quelque peu excité la curiosité et l’attente.

À l’automne dernier, le groupe avait eu la bonne idée de sortir « Pray for Rain », un EP 4-titres, « Splitting the Atom », incluant sa collaboration le vieux compagnon de route Horace Andy et avec le leader de TV On the Radio, Tunde Adebimpe, histoire de faire patienter. Puis, ce fut « Paradise Circus », collaboration avec la grande Hope Sandoval, et son clip/docu(l) pornographique.

Et voici donc enfin le très attendu 5e album, intitulé Heligoland. Ne passons pas par quatre chemins : le grand Massive Attack est au rendez-vous, offrant ici un bijou, jouant des émotions en nuances de gris.

Cela commence avec le déjà connu « Prayer for Rain », pièce languide, où la voix suave de Tunde Adebimpe fait merveille sur des roulements percussifs et un piano entêtants. L’étrange contraste entre la musique, fiévreuse et hypnotique, et le chant mélancolique et détaché, fait merveille. Un morceau parfait pour ouvrir un album du même niveau. Jouant de sonorités « aquatiques » réminiscentes de múm plaquées sur une boîte à rythme au beat nerveux, « Babel » développe une atmosphère inquiète percée de stridences. « Splitting the Atom » déroule une froide lascivité, sur fond de clavier insistant, ponctué de nappes atmosphériques. Les voix – chaude de Daddy G, nasillarde et désabusée de Horace Andy, et triste de 3D – parachèvent ce bijou glacial et mélancolique.

Le climat n’est guère plus solaire sur « Girl I Love You », au titre trompeur, aux sonorités graves et à l’atmosphère plombée, sur lequel Horace Andy chante l’amour éteint (« Gonna miss you but my love has gone forever ») et qui se conclut avec des cuivres dissonants achevant d’aviver le trouble. Retour de Marina Topley-Bird au micro (c’était elle déjà sur « Babel ») pour un « Psyche » angoissé et froid. Avec « Flat of the Blade », les textures synthétiques rappellent le Radiohead le plus électronique des deux derniers albums. Guy Garvey (Elbow) a du plomb dans les semelles et le morceau, assez fascinant, s’avère un étrange bourbier. Des nappes de synthé sombres et menaçantes surgissent au milieu, provoquant le frisson.

« Paradise Circus », collaboration avec Hope Sandoval, s’avère moins radical – mais non moins inquiétant. La  voix éthérée, désincarnée, flottante de l’ex-chanteuse de l’essentiel Mazzy Star, donne le tournis, planant sur une instrumentation brodant une atmosphère qui progressivement gagne en volume. Les boucles de piano, les claps de mains et les lignes de basse sont rejoints bientôt par des nappes synthétiques, puis par une montée de violons poignante. Un chef d’œuvre. Massive Attack enfonce le clou avec un « Rush Minute » tendu, intense, où la voix de 3D, sans éclat, fait merveille et où l’instrumentation dépouillée, soudain s’emporte.

La collaboration avec Damon Albarn (Blur, Gorillaz) au chant et Adrian Utley (Portishead) à la guitare, sur le paisible mais mélancolique « Saturday Come Slow », est encore un point fort de cet album qui, en fait, ne compte pas vraiment de morceau faible. L’album s’achève sur « Atlas Air », où l’orgue domine les pulsations synthétiques bientôt rejointes par des tablas, et l’on est quelque peu abasourdi, sonné par cet album intense. Un album à réécouter encore et encore. Il n’est pas trop tôt pour dire qu’on tient là un des disques les plus capitaux de l’année 2010 qui n’en est pourtant qu’au début.

Massive Attack Paradise Circus from sabakan on Vimeo.

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