Cinema

Bright Star, l’ode au romantisme de Jane Campion

05 January 2010 | PAR Yaël Hirsch

Absente des écrans depuis le thriller “In the Cut” (2003), la réalisatrice de la “Leçon de Piano” est de retour avec un film sur les premières (et dernières) amours du poète anglais John Keats, mort à 25 ans.  Dans sa forme, aussi bien que dans sa thématique, “Bright star” est une ode lumineuse à la poésie romantique anglaise.

En 1818, à Londres, le jeune poète John Keats (Ben Whishaw, le Jean-Baptiste Grenouille du “Parfum”) vient habiter chez un ami plus aisé que lui, Monsieur Brown (évidemment le seul acteur américain du film, Paul Schneider). Leur voisine, Fanny Brawne, est une jeune femme alerte, aux tenues extravagantes qu’elle conçoit elle-même. Vivant pour la couture, sa mère, et ses frère et soeur,Fanny déteste la trivialité de Monsieur Brown. Mais Keats, dont le frère est malade, la touche, et la jeune-femme se met à lire les vers peu reconnus du jeune poète. Lorsque les “adultes” se rendent compte que Keats et Fanny s’aiment, il est bien tard pour leur rappeler qu’un mariage entre une fille de bonne famille et un poète désargenté est hors de question…

“La poésie de Keats a inspiré toute la structure de l’histoire du film”, dit Jane Campion de “Bright Star”. Le titre est lui-même  tiré d’un poème d’amour écrit par Keats (voir ci-dessous) et tout le film semble tourné à la lumière éclatante d’un premier amour qui oscille entre le vert et les vers que les amants se lisent et relisent à voix haute en se promenant dans des jardins. La tragédie de la maladie du poète et les difficultés que posent son manque de revenu comparé à la position sociale aisée de sa douce renforcent encore le caractère romantique de cette histoire sur une des plus grandes figures du romantisme anglais. Campion compare même l’amour impossible de Keats et sa voisine à celui de Roméo et Juliette. Dans les affres d’une passion impossible, John et Fanny s’écrivent, John essaie de s’éloigner et Fanny délaissée ne sort plus du lit… Mais les mots, donc l’amour, continuent jusqu’à ce que la tuberculose sépare  définitivement les amants.

Centrée sur le couple, Campion n’en oublie pas pour autant la reconstitution méticuleuse du Londres du début du 20e siècle : les taffetas et les arbres sont aussi lumineux que les vers de Keats. “Bright star” peut aussi être vu comme un film social, le personnage le plus intéressant étant certainement Fanny (l’excellente actrice australienne Abbie Cornish). Enfant gâtée, dont l’intelligence est bornée par les mœurs à la couture et à la danse, la jeune fille impétueuse ET bien rangée est une proie bien facile pour un amour dévastateur.

La sensualité de “Bright Star” a la même perfection figée que celle de la “Leçon de piano”; Campion surveille tellement chaque détail que rien ne dépasse vraiment du cadre historique, même les sentiments humains, policés, et corsetés dans les vers originaux de Keats. Pas d’émois titanesques, donc, mais la lente consomption minérale des vrais romantiques.

“Bright Star” de Jane Campion, avec Abbie Cornish, Ben Whishaw, Paul Schneider, Grande Bretagne / USA, 2009, 1h59 min, sortie le 10 janvier.

Bright star, would I were stedfast as thou art–
Not in lone splendour hung aloft the night
And watching, with eternal lids apart,
Like nature’s patient, sleepless Eremite,
The moving waters at their priestlike task
Of pure ablution round earth’s human shores,
Or gazing on the new soft-fallen mask
Of snow upon the mountains and the moors–
No–yet still stedfast, still unchangeable,
Pillow’d upon my fair love’s ripening breast,
To feel for ever its soft fall and swell,
Awake for ever in a sweet unrest,
Still, still to hear her tender-taken breath,
And so live ever–or else swoon to death.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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