Mode

Mademoiselle toise : portrait de Coco Chanel

23 April 2009 | PAR Claire-Marie

Mademoiselle toise. Avec ce style qui lui permet de déclarer de façon péremptoire: “la mode se démode, le style jamais”. Alors que l’opinion dominante voulait que le style soit l’héritage d’une naissance aristocratique, Coco Chanel en fait un attribut de la femme indépendante, qui s’affirme dans ses vêtements. Voir de la futilité, dans cette affirmation par la toilette, serait se méprendre. Le style Chanel permet à la femme de prendre le contrôle de son corps, de s’habiller, et non plus de se laisser habiller. La femme ne doit pas se laisser porter par un vêtement en disparaissant derrière lui, mais bien porter celui-ci.

L’épure, voilà donc le maitre mot de Coco ! C’est l’épure d’une coupe qui ne marque pas la taille, libérant le mouvement et par là même la femme. C’est l’épure de la silhouette qui ne s’embarrasse pas de fanfreluches prônées par le style orientaliste de son concurrent originel, Paul Poiret. Cette phrase de Coco Chanel sonne alors comme un manifeste : « J’ai rendu au corps des femmes sa liberté; ce corps suait dans des habits de parade, sous les dentelles, les corsets, les dessous, le rembourrage. » Mais l’épure ne signifie certainement pas le dépouillement : Coco Chanel affectionne particulièrement les bijoux fantaisies qui rehaussent sans ostentation une tenue. Ainsi, elle ouvre des 1924 un atelier de bijoux fantaisies, permettant une démocratisation des bijoux dont le port était réservé aux femmes de haute condition.

Donner le style en partage aux femmes : cette ambition de Coco Chanel brouille les frontières sociales -elle a notamment déclaré que la haute couture devrait se réjouir d’être copiée dans la rue-, mais surtout sexuelles. En effet, elle s’inspire librement du vestiaire masculin, notamment anglais, dont la sobriété signale le style. Avant Coco Chanel, les matières sont sexualisées:   aux femmes la soie, le velours, des matières brillantes et spectaculaire qui les cantonnent dans un rôle de vitrine. Avec Chanel, le jersey et le tweed, matières rugueuses et mates, font partie intégrante du vestiaire féminin, préfigurant l’avènement de la matière jean unisexe. De même pour les couleurs, le noir est volé aux costumes masculins et s’incarne dans la petite robe noire, qui n’est plus synonyme de veuvage. Un basique de la garde robe féminine est né !

coco

Volontaire, Mademoiselle l’est certainement. Et cette volonté inébranlable se traduit même dans cette pose photographique qui ferait passer toute autre pour une oisive alanguie sur un canapé.

Cette volonté, c’est tout d’abord celle d’une éprouvée par l’abandon de son père qui la place dans un pensionnat religieux pour partir chercher fortune en Amérique. Eprouvée, elle l’est également quand l’amour de sa vie,  “Boy” Capel meurt dans un accident de voiture en 1919. Le travail devient alors refuge: “en perdant Capel, je perdais tout” avoua t-elle une cinquantaine d’année plus tard.

Cette volonté rejoint son ambition personnelle : celle de parvenir dans une société où la naissance conditionne pour beaucoup l’existence. Et de fait, elle restera cette femme que l’on n’épouse pas, en dépit de son charme. Même Boy Capel, fou amoureux de Coco, fait un mariage de convenance avec une femme issue de la noblesse anglaise. Cependant, le génie attirant le génie, elle se lie d’amitié avec les artistes de son temps : Mallarmé, Proust, Satie, Colette, Picasso, Cocteau…

Mais cette ambitieuse volonté recèle ses noirceurs: pendant la Seconde Guerre Mondiale, Coco Chanel tente de récupérer les parts du parfum n°5 détenu à 70% par la famille juive Wertheimer en profitant de l’antisémitisme ambiant. Cette volonté se mue à la fin de sa vie en obstination tyrannique. « Je ne fais pas la mode, je suis la mode. » déclare alors Coco Chanel, refusant l’inévitable : le new-look, mai 68, l’avènement du mouvement hippie et d’une mode plus frivole dont la minijupe est l’étendard.

Elégante, volontaire et ambivalente, Coco Chanel est à la fois l’incarnation et l’initiatrice de la femme moderne. Elle donne ces lettres de noblesse à la dénomination « Mademoiselle », qui dès lors ne signifie plus vieille fille, mais bien femme de caractère… émancipée !

Claire Marie FOULQUIER-GAZAGNES


Pour aller plus loin…

Edmonde Charles-Roux, Le temps Chanel, Editions de la Martinière, 2004

Isabelle Fiemeyer, Coco Chanel : Un parfum de mystère, Payot, 2004

Paul Morand, L’allure Chanel, Hermann, 1996

Et si on se moquait du cinéma français ?
Britney Spears
Claire-Marie

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