L’homme qui m’aimait tout bas, d’Eric Fottorino
L’homme qui [l’]aimait tout bas, qui murmurait à ses oreilles de cycliste et échangeaient pâtisseries contre paperasseries s’est tué d’un coup de carabine. Son fils adoptif lui rend hommage sur quelques 150 pages publiées aux éditions Gallimard.
L’histoire de Michel, le père, et d’Eric, le fils, est faite de longues courses à vélo, de savants massages, d’une plaque de kiné et de quelques Mondes abandonnés faute d’éducation géopolitique plus poussée. Michel Fottorino, pied-noir de Tunisie devenu en France masseur-kiné est le “vieux peintre “ qui « traversait la vie peu chargé » dans Comment Wang Fo fut sauvé (Marguerite Yourcenar). Le roman traînait d’ailleurs dans la bibliothèque du défunt, il semblait à peine abîmé… Michel ne s’encombrait ni de livres, ni de paperasses administratives. Chez lui, pas de machine, pas d’ordi, pas de déclaration à l’Urssaf ni d’assurance vieillesse. Pas de convention non plus. Seulement des mains, des mollets, des gâteaux tunisiens et un sourire ravageur. Aussi, lorsque son amoureuse lui a présenté un enfant de 9 ans, Michel n’a pas lésiné. Il l’a accueillit simplement, lui a gonflé le mollet et le coeur.
Près de 40 ans après, c’est ce muscle qui se déverse et crie son amour pour la figure tutélaire qui s’est tuée avant de l’être [tuée]… Eric, Fottorino grâce au kiné-cycliste, fouille les archives de leurs courtes de vies, reparcourt en acte et en pensée les routes qu’ils sont sillonnés, et ce faisant nous narre sa propre histoire. Parce que sans cet homme, il n’était rien, ne serait rien. Entre ces tendres et intimes confidences enveloppées de lumières charentaises, quelques références parisiennes rappellent que le fils a troqué le vélo contre le stylo : un coup de fil d’Edgar Morin reçu entre les tombes du cimetière, le livre d’Erik Orsenna dédicacé dans le bureau de son père ou quelques références cinématographiques et poétiques. Scoop : le lecteur apprend notamment que le directeur du Monde n’a lu pendant très longtemps que les «livraisons mensuelles de Miroir du Cyclisme ».
L’écriture est un « continent d’incontinence » estime l’auteur ; en effet L’homme qui m’aimait tout bas brasse et ressasse en 150 pages et quelques phrases bien tournées deux mots : « Je t’aime ». Certes. Tant de suavité invitent à retourner aux Mondes abandonnés par M. Fottorino père.
“J’ignore ce qui me pousse à écrire ces quelques lignes, et à continuer. Tout est à la fois si confus et si clair. Mon père qui m’avait tant donné, à commencer par son nom, à choisi d’en finir ainsi. Au commissariat, avec mes deux jeunes frères François et Jean, le policier nous a montré la cartouche vide dans un sachet transparent. En fait pas une cartouche.” (p 11)
L’homme qui m’aimait tout bas, d’Eric Fottorino, Gallimard, 148 p, 15 euros, sortie le 17 avril 2009
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3 thoughts on “L’homme qui m’aimait tout bas, d’Eric Fottorino”
Commentaire(s)
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jelassi
Le livre m’a beaucoup séduit,pourtant je ne l’ai pas lu.Le père d’Eric me rapelle beaucoup mon père.Je vous prie de m’indiquer le numéro de la page ou se trouve la phrase suivante:” un homme tendre dans la dureté”.