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[Carnet de voyage] A Rotterdam, des fermiers urbains cultivent l’insolite

[Carnet de voyage] A Rotterdam, des fermiers urbains cultivent l’insolite

07 July 2016 | PAR Hannah Barron

 

Inviter la campagne dans la ville, produire in situ des aliments frais et locaux, c’est le pari un peu fou de la gastronomie rotterdamoise qui excelle en matière d’innovation. Depuis peu, des potagers ont été installés sur le toit des immeubles, alimentant en herbes et légumes frais les restaurants alentour. Dans une piscine désaffectée, une start-up cultive ses propres champignons, de savoureuses pleurotes que l’on retrouve dans les assiettes des chefs, déclinés en sauces ou en soupes. Une polyphonie de produits que l’on déguste dans des enseignes originales, du bar à fleurs où l’on sirote des cocktails végétaux aux fermes urbaines qui vendent le produit brut, en circuit court. Une scène culinaire créative donc, qui met au vert le cadre portuaire et industriel de Rotterdam.

Par Olivia Barron

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Un bébé des villes traverse, l’air ravi, un champ de salades vertes. Nous ne sommes pas à la campagne mais en plein cœur de Rotterdam, sur le toit d’un immeuble de bureaux, transformé en vert potager. Ouverte il y a quatre mois, Op Het Dak, la plus grande ferme-restaurant en rooftop d’Europe, produit et cuisine dans la foulée ses légumes. On connaissait déjà les bars branchés situés sur les toits, la municipalité de Rotterdam, encourage, elle, l’installation d’espaces verts sur ses hauteurs, car cette ville portuaire compte peu de jardins. La « Manhattan de la Meuse » surprend par son architecture moderne, ses lignes verticales, un urbanisme audacieux conçu pour recoudre les dents creuses de la seconde guerre mondiale.

Au-dessus de l’agitation de la ville, les plans de légumes, les choux, les herbes folles croisent un paysage d’acier, de tuyaux colorés, de gratte-ciel au charme futuriste. Dans le   petit restaurant d’Op Het Dak, cabane perchée sur les toits, Valérie Kuster, la pétillante chef « utilise trois produits du potager par plat », dans une carte qui s’élabore au fil des saisons. « Le matin, nous cueillons les herbes, les fleurs comestibles, les fruits et légumes que nous cuisinons le midi. Nous approvisionnons déjà cinq restaurants de Rotterdam en fleurs !» raconte Roger Van Donk, son associé, tout en goutant à une orchidée comestible, leur fleur emblématique.

    

Le restaurant d’Op Het Dak surprend par sa cuisine végétale mais goûteuse, rafraichissante, relevée par des épices et des assaisonnements japonais, indonésiens mais aussi latino-américains, toujours parfaitement équilibrés. «Après sept ans à Londres dans les relations publiques et l’architecture, j’ai eu envie de faire un long voyage gastronomique en Amérique Latine et de changer de métier ! » raconte la chef, Valérie Kuster. Une audace qui se retrouve dans une carte caméléon, qu’elle réinvente tous les  mois, jouant avec les textures croquantes, acidulées. Au menu ce jour-là, un tartare de dorade et de maquereau s’enroule dans une feuille de laitue accompagnée de fèves,  de petits pois et de carottes all’dente. L’asperge verte, produit phare hollandais, s’invite souvent dans les plats, grillée, relevée de pesto et des graines croquantes. Une cuisine green savoureuse, servi avec du pain maison, une mayonnaise au safran ou un beure à la moutarde. Pour pimenter le tout, le café frappé à la menthe fraiche façon mojito, où le sirop de rhubarbe maison, offrent une nouvelle fraicheur. Au-delà du cadre branché et familial, le potager génère du lien dans ce quartier d’affaires où la vie sociale semblait s’étioler. A Op Het Dak, ainsi, les bénévoles se relayent pour entretenir le potager, participer à des ateliers culinaires, assister à des concerts.

Cueillette urbaine

Dans une ancienne piscine désaffectée, les plantes vivaces ont envahies le carrelage, grimpant sur les toboggans. L’atmosphère de serre tropicale est suffocante. C’est ici, en plein cœur de Rotterdam, qu’un ancien cadre, Siemen Cox, lassé par la finance, a décidé de lancer sa start-up de champignons ! Et cela grâce au marc de café jeté par les  restaurateurs locaux. « L’ouvrage de Gunther Blooly, « The blue economy », qui invente une économie à base de déchets, a agi sur moi comme un révélateur. J’ai alors décidé de devenir fermier urbain ! » raconte-t-il, enthousiaste. Le livre prétend qu’il est  facile de s’enrichir dans la culture de champignons mais omet de fournir la recette. L’entrepreneur tâtonne un an avant d’obtenir sa première récolte, des pleurotes et des shiitakes aujourd’hui commercialisés frais et séchés, et plébiscités par les chefs.

C’est dans les anciennes douches et les vestiaires que l’homme cultive ses champignons, aidé d’une dizaine d’employés. Spectacle assez hallucinant, celui des tringles des vestiaires qui servent d’accroches aux sacs pleins de café et de composte mirifique. Pendant six semaines, les champignons poussent dans cet environnement clos, passant de la lumière à l’obscurité, recouvrant les sacs de grosses grappes blanches. Et tout cela, grâce au café de la ville, « un produit très peu recyclé» regrette l’entrepreneur. « Lorsque vous faites une tasse de café, seul 0,2 % du café va dans la tasse, 0, 98% finit à la poubelle ! C’est un véritable gâchis pour un pays comme la Hollande, qui consomme près de 120 millions de kilos de café en grain par an » explique-t-il. Grâce à son solide réseau, sa start-up, Rotterzwarm, récupère le marc de café des restaurants qu’il transforme en champignons, et leur livre en retour. Une étonnante boucle zéro déchets. Très vite, l’initiative trouve un  écho certain dans ce quartier central de Rotterdam, et les habitants participent au circuit. Ateliers, box pédagogiques pour enfants et adultes, les produits dérivés foisonnent avec aujourd’hui des extensions jusqu’au Danemark, en Turquie et en Australie.

Siemen Cox

 

Milk sommelier

Sur les berges du port, un charmant petit café, Flowers & Sours, vient d’ouvrir dans une atmosphère aussi fleurie que cosy, et propose des boissons aromatisées aux fleurs et herbes locales. Mais plus étonnant encore, des glaces, yaourts et sodas y sont préparés à base d’un lait cru sélectionné parun expert, Bas de Groot, premier « milk sommelier » de Hollande. Lui-même s’amuse de ce titre, dont l’affuble une amie un brin ironique. « Ici, le lait est une spécialité, le Pays-Bas produit plus de 12 milliards de litres par an, il y a 70 millions de vaches », raconte Bas de Groot, dreadlocks coiffées en bun et chemise à fleurs. Ancien fermier, le trentenaire s’est découvert une passion soudaine pour le lait cru, allant au début jusqu’à boire quatre litres de lait en une journée, jamais rassasié. Il sillonne les fermes de Hollande pour goûter, comme le vin, les différentes cuvées de la région. « Chaque vache produit un lait unique. Le goût varie même en fonction de l’heure de la traite ! » raconte-t-il. « Dans les fermes biologiques, où les vaches broutent de la bonne herbe, le lait a une note fuitée, framboisée. A l’inverse, les vaches qui mangent du maïs produisent un lait au gout de noisette, plus fromager » détaille-t-il. Bas de Groot se désole du succès du lait industriel, « sans goût, édulcoré et vraiment ennuyeux ». « Les entreprises s’intéressent surtout à l’hygiène du lait, aux germes, et dénaturent considérablement le produit » constate-t-il. Un goût brut, acide, qu’il fait redécouvrir lors d’ateliers de dégustation, nature ou dans des mueslis. Une oenologie lactée prête à nous faire tous aimer le lait cru !

Bas de Groot
Bas de Groot

Informations pratiques

Aller à Rotterdam

http://www.holland.com/

www.rotterdampartners.nl

Se loger à Rotterdam

A l’hôtel Nhow

http://nhow-rotterdam.com/

Les bonnes adresses

Op Het Dak

Schieblock, Schiekade 189

Rotterdam

+31 6 57477010

Home

Rotterzwarm

Rotterzwam
RotterZwam.nl
Facebook.com/RotterZwam

www.rotterzwam.nl

Flowers & Sours

Coolhaven 148 A Rotterdam

http://www.flowersandsours.com/

 

 

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Hannah Barron

One thought on “[Carnet de voyage] A Rotterdam, des fermiers urbains cultivent l’insolite”

Commentaire(s)

  • Super cet article et ces belles idées. À Lyon, on gâche encore le marc de café (mais moi je m’en sers comme gommage). Ces bons exemples seront bientôt suivis en France, j’en suis sûre ! Je partage sur ma page Facebook Tiff in Lyon ! Merci Olivia :)

    July 11, 2016 at 15 h 36 min

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