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Thierry Marx, le chef est le fils de personne

Thierry Marx, le chef est le fils de personne

19 April 2017 | PAR Marianne Fougere

Top chef parmi les plus grands, Thierry Marx a fait du pari de convier à la table gastro-démocratique tous les oubliés patronymiques une philosophie de vie.

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La cuisine, c’est une histoire de famille. Preuves en sont les recettes que l’on se transmet de génération en génération, les repas à n’en plus finir ou encore les lignées gastronomiques. Que l’on songe aux duos voire triplette père-fils (e.g., les Trois Gros, René et Maxime Meilleur) ou, plus rarement, les équipes père-filles (e.g., les familles Rostang et Lepic), aux fratries iconiques (e.g., les frères Roca) ou, plus récemment, aux familles recomposées qui ont apportés un goût de fraîcheur à la bistronomie parisienne (e.g., le groupe Big Mamma), tous ces exemples donnent à penser à la présence d’une fibre familiale au fond des marmites. Et on aurait que l’embarras du choix pour piocher, parmi tous les prétendants au piano, un Fils de à qui consacrer ce portrait.

Ce serait, cependant, oublier trop rapidement que la cuisine est aussi, et surtout, une affaire de combat. Lutte contre la malbouffe et l’obésité, Zone A Défendre contre l’ossification du terroir, mouvement d’avant-garde d’une tradition sans cesse réinventée : on comprend dès lors toute l’importance de faire ses armes. Pour les uns, l’initiation au maniement de la mandoline sera assurée par grand-mère ; d’autres réviseront leurs gammes au piano auprès des grands maîtres. Et il y a ceux, ces Fils de personne à deux doigts de sombrer dans la délinquance, qui apprennent à combattre in situ, sur le champ de bataille ou sur le tatami.

On ne présente plus Thierry Marx, chef multi-étoilé toujours armé d’une paire de baguettes qui s’est invité, pendant plusieurs années, à la table de millions de Français. Pourtant, rien ne prédestinait ce gamin de cité, fils d’un boulanger et d’une laborantine, à mener la vie de (Relais-)Château. Mis au ban(c) de l’école, celui qui a connu les terrains vagues et les heures de garde à vue a trouvé dans la cuisine et le sport de quoi canaliser l’énergie de la révolte. C’est chez les compagnons du devoir et parmi les rangs de l’armée qu’il a rencontré ses premiers frères d’armes avant de s’envoler à la conquête du monde. Liban, Australie, Japon, …, le parcours atypique de Marx est porteur d’espoir pour tous ces gosses qui rêvent secrètement de devenir coiffeuse-boxeuse ou Ceinture noire-cordon bleu, pour tous ceux aussi relégués au fond de la classe ou aux marges de la société.

Car le chef, depuis ses cuisines du Mandarin oriental, n’a pas oublié d’où il venait. Enfant marqué à vie par l’échec scolaire, il a fait de la transmission son nouveau cheval de bataille. Placée sous le signe des valeurs de rigueur, d’engagement et de respect enseignée par l’école du judo, Cuisine mode d’emploi(s) se veut être une main tendue à tous ces Fils de personne que la vie n’a pas ménagés. Si 12 semaines ne sauraient suffire à combler l’écart qui sépare les biens-nés du peuple minuscule de la périphérie et des quartiers, elles permettent néanmoins à des personnes éloignées de la formation ou tout juste sorties de prison d’apprendre les gestes de base et d’être formées ainsi gratuitement aux métiers du service ou de la cuisine.

La cuisine est donc bel et bien une affaire de combat, celui de la transmission et de l’élargissement de la famille gastronomique à tous ceux qui en étaient jusqu’alors exclus.

visuel : site officiel de Thierry Marx

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