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Leslie Brochot, fondatrice de Maitres d’accords : “Autour de la table il faut s’accorder, comme dans la vie”

Leslie Brochot, fondatrice de Maitres d’accords : “Autour de la table il faut s’accorder, comme dans la vie”

13 November 2018 | PAR Quentin Lazeyras

Son compte Instagram fait rêver. Et l’expérience d’un dîner accordé par elle fait savourer. Spécialiste des harmonies entre mets et vins Leslie Brochot a lancé son entreprise de goût : Maîtres d’Accords. Elle nous parle de cette aventure où elle organise des dégustations d’accords mets et vins originales pour vous faire vivre de bons moments grâce à des expériences gustatives nouvelles… Et elle nous met l’eau à la bouche …

Comment fonctionne Maître d’Accords ?
Le concept c’est de parler de vin autrement et de faire découvrir la dégustation avec des accords mets et vins. Aujourd’hui, il y a beaucoup de dégustations de vin et de temps en temps on va agrémenter de fromages ou d’une tranche de charcuterie. Mais en ça n’amène pas vraiment à parler de l’accord en tant que produit, on parle alors seulement de vin. En évitant également la restauration pure arrosée de vin, l’idée est de se concentrer vraiment sur les harmonies ou les dissonances intéressantes entre mets et vins.

Vous souvenez-vous de votre premier accord?
La première fois que j’ai fait un accord, ce fut un désaccord, je me suis dit qu’il y avait un problème entre ce que je buvais et ce que je mangeais. C’était entre un vin rouge de Bordeaux, un saint Estèphe je crois, donc assez tannique, et un camembert. Et là c’était raté. Pourtant le vin était excellent, le camembert aussi, mais le goût et la texture étaient misérable en bouche. Je me souviens qu’il y a un certain nombre d’années, du fromage avec du bon vin c’était un classique, et je ne contrariais pas mon père qui me servait du bordeaux avec du fromage. Et un jour j’ai fait une formation mets et vin durant laquelle j’ai goûté un vin de Loire liquoreux, donc sucré, avec un formage à pâte persillée. À ce moment-là, j’ai compris que y a des choses qui vont ensemble et d’autres pas.  C’est aussi une question de subjectivité : ce qui va me plaire à moi, peut ne pas plaire à d’autres. Mais il y a quand même certaines règles qui marcheront presque systématiquement.

A quel point ces accords sont ils pluriels? Une session est-elle comme un dîner gastronomique avec 4 ou 5 plats?
Je table généralement 4-5 accords, puisqu’au-delà, l’on risque de perdre le public et en plus, le palet sature. Généralement je vais chercher un accord classique, un accord intelligible, puis passer par un accord un peu moins classique et j’aime finir par un accord un peu plus surprenant. Les convives hésitent parfois un peu à tester, en se disant que c’est bizarre mais lorsqu’ils essayent, ils découvrent quelque chose de vraiment surprenant.

Comment est née l’idée de Maître d’Accords ?
Ça fait plus d’une dizaine d’année que je fais des routes des vins. Mon père m’a toujours fait sentir un vin puis deux puis goûter l’un après l’autre. J’ai donc toujours eu cette curiosité pour comparer les vins et chercher à retrouver ce qu’il y a dedans. Alors que certains vont juste apprécier les vins, ce qui est très bien, mais moi j’ai toujours voulu aller voir plus loin. Ensuite je me suis formée professionnellement au Wset (Wine & Spirit Education Trust). C’est un diplôme qui enseigne à la fois la théorie du vin et les principaux pays producteurs et qui forme surtout le palais à la dégustation pour être capable de juger les vins en toute objectivité.

De combien de personnes sont composés les groupes ?
Il peut s’agir de petits comités : entre 5 et 30 personnes. Généralement on est assis et la dégustation dure environ une heure et demie, pour créer de la discussion et du partage. Les plus grands formats ont lieu sur des stands lors d’événements imposants et peuvent réunir jusqu’à 200 personnes. Dans ce cas les gens viennent de sur le stand les uns après les autres comme sur un stand de cocktails pour faire un voyage gustatif. Cela prend entre 10 et 30 minutes, en fonction de ceux qui veulent rester, ce qui nous permet aussi de discuter. Je suis très souvent surprise par la curiosité des gens pour faire l’ensemble du voyage gustatif.

Qui sont vos clients aujourd’hui ?
Souvent les entreprises qui organisent des événements comme des team-buildings, ou des fêtes de fin d’année ou  pour l’anniversaire de la marque. Parfois aussi des vernissages. Et au départ, j’allais les voir directement. Mais aujourd’hui, je passe plutôt par des agences ou des traiteurs qui proposent des services en plus, comme des animations à part entière.

Quels sont les grands enjeux du développement de votre projet?
J’ai lancé l’entreprise en mars 2018, j’ai eu des premiers événements, ce qui m’a permis d’avoir des retours : positifs comme négatifs. Le concept intéresse vraiment même s’il y a des améliorations à faire au niveau de la lisibilité de ce concept. Je travaille beaucoup sur le créatif, le sur mesure, je veux en mettre plein la vue, mais je pense que je dois rester limpide et claire. Déjà que le milieu du vin en soi est complexe et  je tente de rester sur des propositions plus centrées et budgétées.

Les émissions culinaires à la télévision comme “Top Chef” ou “Un dîner presque parfait” préparent-elles les gens à accueillir un projet comme le vôtre ?
Oui je pense qu’effectivement, on est de plus en plus alerte sur ce qui existe et c’est de plus en plus accessible en tout cas pour la nourriture. Le vin, reste tout de même toujours élaboré, c’est-à-dire accompagné d’un certain jargon. Les gens qui ne sont pas connaisseurs se sentent vite dépassés et frustrés. Mais oui pour la partie Food, il y a aussi une sorte d’ouverture à la cuisine, ne serait ce que lorsqu’on voit les différents magasins qui fleurissent pour proposer des ustensiles ou des décorations. Tout le monde devient apte à faire une belle et bonne tarte.

Comment mettez-vous les mets et les vins à la portée de votre public?
Alors moi déjà je ne suis pas sommelière ni œnologue de formation, donc je n’arrive pas avec tout le jargon du vin. J’arrive seulement comme une personne qui aime le vin avec des mots simple et qui surtout va faire ressentir les gens et les faire parler pour qu’eux me partage ce qu’ils ressentent. Ensuite on peut échanger et moi je parle des vins des techniques et des théories que je peux entrer guillemets enseigner. L’idée première ça reste quand même de laisser parler les personnes et des les mettre en avant d’échanger.

Par rapport à un restaurant quelle est la différence qu’il va y avoir à faire ces dégustations ?
Dans un restaurant il aura d’abord l’aspect et la mise en avant des plats, le vin va servir à cette mise en avant des plats. Moi je vais plutôt aller parler des arômes des textures qui mettent ni en avant un plat ou un met plus que l’autre mais qui permettent de comprendre pourquoi l’un va bien aller avec l’autre. Puis le dialogue avec les personnes permet aussi de comprendre que si une personne n’a pas aimé c’est plutôt pour ci ou ça. Il faut exprimer par ce qu’on ressent ce qui a marché ou ce qui n’a pas marché.

Il y des chefs que vous admirez justement parce qu’il savent bien allier les plats et les vins ?
Plutôt des sommeliers qui vont me parler des vins et m’expliquer que tel ou tel vin va bien aller avec un met particulièrement. Ça veut dire qu’ils l’auront dégusté, ils ne l’ont pas juste imaginé. Il y a des chefs que j’admire pour la beauté de leur travail culinaire, notamment Cédric Grolet, quand tu vois ses pâtisseries, ce sont des bijoux. Mais souvent les chefs choisissent des vins qui ne vont pas venir travailler leurs mets. On n’est pas dans la même réflexion qu’avec Maître d’accords, où on ne veut pas mettre en avant plus l’un ou l’autre, mais juste que l’alliance soit parfaite

Allez-vous étendre les dégustations?
Maîtres d’accords a pour idée qu’il faut s’accorder, comme dans la vie. On s’accorde avec des collègues pour travailler, avec quelqu’un pour vivre. Mon idée de base n’est pas seulement focalisée sur l’accord mets et vins, mais plutôt sur l’ensemble des sens ou des situations. Pour l’instant je n’ai que les sens en tête, alors il va falloir aller chercher des idées, comme mêler le côté auditif avec l’excitation du nez ou de la bouche. On pourrait même imaginer d’autres accords qui ne font pas seulement appel aux cinq sens.

visuel : (c) Maître d’Accords. 

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Quentin Lazeyras

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