Beauté
[Interview] Stéphanie Poulage “Ce sont les gens qui définissent le genre du parfum”

[Interview] Stéphanie Poulage “Ce sont les gens qui définissent le genre du parfum”

15 February 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Stéphanie Poulage est parfumeur, à la tête de Poulage Parfumeur. Quatre sillages chics, aux complexités élégantes. Nous avons rencontré cette femme qui est partie à la recherche de “L’odora di femina”, tout un voyage, olfactif.

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Quelle est la particularité de la maison Poulage? A qui s’adressent vos quatre parfums ?

Alors pourquoi quatre? Parce que les gens sont quand même attirés par des familles de parfums différentes. vous avez beau créer le plus bel oriental pour quelqu’un qui n’aime que les colognes et les eaux très légères il n’ira jamais là-dedans. Il faut qu’il y ait une force de composition, il faut qu’il y ait un choix. Avant d’être parfumeur je n’aimais pas les floraux tels qu’ils étaient fait et ce qui était très intéressant pour moi dans cette aventure de parfumeur c’était de travailler sur tous les thèmes, à ma façon.

Quelle est votre façon ?

Par exemple ma façon de faire un floral que j’aime. Tout dépend comment il est fait. Par exemple Odora Di Femina il est très floral j’adore le mettre.

Est-ce que vous portez les quatre?

Oui, ça dépend des moments. Là aujourd’hui j’ai Suprême Orient, il m’arrive de porter Odora Di Femina mais tout ces parfums composent une partie de moi-même, c’est un rêve que je fais. Un bon parfum il doit vous emmener quelque part. Vous êtes-là, vous le sentez et après vous partez, vous êtes ailleurs.

Vous emmener quelque part et même, à la façon dont Numéro 5 et associé à Marilyn, dont la façon dont un parfum peut vous définir. 

En arrivant en Angleterre, Marilyn a déclaré en descendant d’avion : « j’adore English lavender ». C’était une façon très maligne d’être populaire dans un pays.

Où peut-on acheter vos parfums ?

Il y a des lieux physiques mais nous notre première boutique ça a été Internet.

Mais comment on sent en ligne?

On peut commander des échantillons sur notre site.

Peut-on acheter un parfum sans le sentir? 

Moi je n’achèterai pas sans sentir. Internet est une vitrine. En retournant  sur le site, ils se font une idée de qui on est.

Le parfum est très à la mode, il y a la Maison du Parfum qui vient d’ouvrir, on retrouve le parfum sur des lieux dédiés à la couture ou au prêt-à-porter. Est-ce qu’il y a un engouement autour du parfum ? 

Oui il y a de plus en plus une reconnaissance du parfum, on parle de plus en plus du parfum, le parfum se loge. L’olfactif ce méconnu ! C’est vraiment le sens que l’on enterrait, que l’on cachait. Aux États-Unis il est impossible de faire sentir, c’est impudique.

C’était un interdit?

Dans certaines cultures, l’odeur c’est quelque chose dont on ne parle pas, on fait semblant de ne pas sentir.

Comment choisir son parfum? 

Ce qui est  intéressant c’est aussi le chemin à faire pour trouver ton parfum. Il y a d’excellents conseillers c’est là que nous on va pour être vendu.

Où est-ce que vous êtes vendus justement?

A la parfumerie du Ranelagh (58 rue de Passy) où il y a une conseillère extraordinaire. On est aussi ici à l‘Hotel Sezz  et là les gens peuvent choisir, essayer.

C’est comme ça que vous choisissez un parfum? 

Il faut essayer, moi je recommande toujours le temps de la réflexion parce que une note peut évoluer dans une direction qui ne vous convient pas mais cela ne se voit pas les premières heures ou alors cela ne tient pas assez. Il faut voir si ça vous convient sur la tenue ça déjà c’est important. Et puis il faut se sentir bien dedans. Après les compliments de votre entourage cela compte toujours.

Avez vous des inspirations culturelles dans vos créations ?

Pour Odora di Femina l’aspiration était cinématographique avec Profumo di donna avec Al Pacino. Un aveugle est assis dans un lobby d’hôtel et il y a une jeune femme qui passe devant lui et il dit « ah l’odora di Femina !» J’ai vu cette scène avant d’être parfumeur et ça m’a marquée,  je me suis demandé ce qu’il avait senti. Quand je me suis lancée dans cette aventure je voulais exprimer la féminité absolue, un hymne aux femmes, à toutes les femmes qui ont été importantes dans ma vie, que ce soit ma mère, mes meilleures amies, je voulais les mettre sur un piédestal. Je me suis demandée ce qu’il a senti, je voulais imaginer pourquoi quand on sent un sillage on se dit c’est une femme qui passe.

Etes-vous contente du résultat ?

Je l’adore, c’est peut être celui que je mets le plus d’ailleurs. Je me sens tellement bien dedans, je me sens belle, je me sens romantique. C’est un peu érotique mais pas que. Pour moi c’est plein d’aspects d’une vie de femme.

Et les trois autres alors?

Pour Ubiquité on est toujours dans l’espace et le temps, la beauté éternelle. C’est un conte de fée, la botte de sept lieues.  On peut être dans plusieurs endroits en même temps. Pour ça que j’ai pensé à une note de bonheur que l’on a envie d’emmener partout avec soi. L’été à la campagne. C’est une eau fraîche qui glisse dans le boisé avec la chaleur de l’été avec une note de foin qui monte et qui fait campagne. On dit toujours que c’est un parfum qui fait très vert alors qu’il n’y a pas une seule note de vert dedans. Techniquement il n’y a pas une note verte dedans. Et parce que à chaque fois que j’essayais d’entrer mettre une je trouvais que ça faisait vulgaire, synthétique, je n’aimais pas. Il y a donc quelques notes vertes qui sont naturelles aussi en parfumerie c’est très rare il n’y en a pas beaucoup mais il y en a quand même mais ça ne va pas du tout avec l’accord.

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Et donc les deux autres?

Liquid Time, pour moi c’était l’homme idéal. Il y a des femmes qui le portent. On le présente comme un mixte. Ce sont les gens qui définissent le genre du parfum. Je l’ai créé comme un masculin et c’est autour d’un Vétiver. J’ai voulu créer un parfum masculin qui se porte comme une belle montre. Il y a une complication,  une note verte, une note fruitée qui font évoluer le parfum vers une note sèche.

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Étiez-vous motivée par une image ou une œuvre?

Je voulais que ça soit tendre et dynamique à la fois. J’ai plutôt pensé à l’être aimé.

Et donc le dernier ?

Pour Suprême Orient, j’ai voulu créer un espace imaginaire, j’ai voulu penser aux Jardins de Babylone que l’on a jamais retrouvés. Je voulais créer un endroit avec plusieurs influences asiatiques, arabes, indiennes dans le choix des matières premières. Et donc il y a des épices, des baumes, des fleurs, beaucoup d’absolus, il y a la Rose Essence, l’absolu de la fleur d’Oranger, il y a l’absolu de la fleur d’Iris, de l’eau Opoponax, de la myrte, un côté aromatique, en fait c’est un aromatique oriental épicé et avec une belle part aux fleurs, on les sent vraiment sur la peau. Et aussi les épices, la cannelle, le clou de girofle, la vanille en absolu, le gingembre, le patchouli. Le patchouli est important et donne des inflexions rauques à toute la partition mais il n’est pas prédominant. Ce n’est pas le thème, je voulais quelque chose de plus complexe que ça.

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Parlez moi de votre travail 

Je mets la main à la pâte. Pour moi le travail de création c’est une conversation entre l’esprit et la matière. Je démarre avec une idée, je sais où je vais aller, je commence à choisir les acteurs, les protagonistes de l’histoire, je commence à les faire jouer ensemble, ils me répondent. C’est une conversation entre les matières premières et moi.

Vous travaillez seule à la création?

Oui je travaille seule, je fais sentir mes créations à mon entourage, je les porte et j’observe ce que me disent les gens qui ne me connaissent pas Quand quelqu’un que je ne connais pas me fait un compliment sur le parfum, me demande ce que c’est, où est-ce que je vais le trouver  je me force à ne plus y toucher parce que ce que j’ai là je vais peut-être le perdre après.

Quand avez -vous créé la “Maison” Poulage 

En mars 2015. Ce que j’ai pu faire aujourd’hui je n’aurais jamais pu le faire dans l’industrie. J’ai pris le temps de faire un travail complexe parce que je ne voulais pas passer par des taxes consommateurs et là ça prend plus de temps, il faut que tu travailles en regardant si tu ne te lasses pas de la note. Ce sont des parfums qui coûteraient trop chers à produire dans l’industrie.

Stéphanie Poulage est votre nom, pourquoi l’avoir choisi pour incarner la marque, pourquoi parler de maison ?

Je n’ai pas mis Maison c’est vous ( rires). Le nom est Poulage parfumeur. Mais il n’y a pas que vous. Je pense que c’est le même réflexe pour les couturiers. Il y a une logique à tout ça aussi.

Oui on trouve ça aussi chez les galeristes. C’est qu’on a vraiment l’impression d’être chez vous. Même le fait que pour l’instant il y ait quatre signatures, c’est vendu dans des endroit très précis, on est  dans le cadre de l’intime. 

Oui bien sûr c’est un peu comme signer un livre avec son vrai nom. Je n’ai pas voulu me cacher et c’était aussi un hommage à mon grand-père qui n’a eu que des filles et qui était désolé que le nom Poulage se perde donc voilà c’est un clin d’œil qui lui est destiné.

Visuels : ©Stéphanie Poulage

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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