Théâtre
Todo el Cielo… Angelica Liddell au pays de l’enfance perdue

Todo el Cielo… Angelica Liddell au pays de l’enfance perdue

23 November 2013 | PAR Christophe Candoni

Présenté l’été dernier d’abord à Vienne puis en Avignon et reçu au théâtre de l’Odéon dans le cadre du festival d’Automne à Paris, Todo el Cielo sobre la terra est la nouvelle performance rageuse et éruptive comme seule sait les faire Angelica Liddell. La tornade espagnole y rêve comme Wendy d’une jeunesse éternelle et hurle sa peur de l’abandon.

Du rêve illusoire de jeunesse éternelle des enfants perdus conduits au pays imaginaire par un Peter Pan attiré par le sexe et la mort à l’atroce réalité des adolescents exécutés les uns après les autres sur l’île norvégienne d’Utoya par Anders Breivik en 2011, il n’y aurait qu’un pas que franchit Angelica Liddell. C’est toujours un peu le problème avec cette artiste qui aime créer des ponts, des résonances, qui lui appartiennent mais qui peuvent paraître problématiques et confus.

La première partie du spectacle est d’une facture proche de l’inabouti avec un décor inesthétique et de fortune (des crocodiles volants, un monticule de terre, des sapins de plusieurs tailles, des peluches, des coiffes d’indiens, quelques chaises, un podium), une succession de scènes répétitives et sans lien, un rythme qui piétine… mais elle témoigne d’une ouverture à la culture chinoise qui passe pour une nouvelle étape personnelle et artistique de l’artiste. Angelica Liddell s’est rendue en voyage à Shanghai et a rencontré dans son nouveau havre de paix, un couple de septuagénaires chinois, amateurs de danses de salon, qu’elle a rêvé voir à ses côtés sur scène, danser les valses composées du sud-coréen Cho Young Wuk, une musique qu’elle adore et qui l’émeut jouée en direct par l’ensemble d’instrumentistes PHACE. Elle leur a demandé de la suivre pour sa nouvelle création, ce qu’ils ont fait. Ce témoignage d’une réelle expérience humaine et partagée tombe comme un cheveu sur la soupe mais donne lieu à un moment attendrissant bien que longuet.

Tout commence vraiment lorsqu’Angelica Liddell, en véritable bête de scène, ôte sa robe de princesse éperdue, vide le plateau et, de sa présence seule, un micro à la main, démoniaque en collants noirs et culotte pailletée, éclipse tout ce qu’elle a précédemment mis en place. Alors elle prend le pouvoir, hurle, danse, se défoule, secoue littéralement, et cela tient du prodige. Enragée, elle se lance dans une diatribe virulente sur les mères qu’elle déteste (elle adresse des  « Fuck you, mothers » à celles qu’elle appelle les “bigotes hypocrites, bonnes par nature”) tout comme elle déteste les gens qui œuvrent pour les autres pour se donner « un supplément de dignité ». Elle revendique sa solitude, sa phobie sociale, son inadaptation à toute forme de groupe, de communauté, sa répugnance de la vieillesse, sa peur panique de l’abandon, son irrépressible besoin d’amour.

Soutenue par la chanson « The House of Rising sun » qui passe en boucle, Angelica Liddell déploie à nouveau une sidérante énergie, irréductible et viscérale. Elle dévoile aussi une grande vulnérabilité en exhibant d’une manière explosive et dérangeante son mal-être profond. Son ton combatif et éructant, découvert dans “La Caza de la fuerza” au festival d’Avignon en 2010, continue d’ébranler et de transgresser avec force les conventions et les bons sentiments de la société contemporaine.

photo Christophe Raynault de Lage

A 20h, matinées à 15h. Durée 2h20 sans entracte.

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One thought on “Todo el Cielo… Angelica Liddell au pays de l’enfance perdue”

Commentaire(s)

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    Une première partie de toute beauté, une seconde, hurlante de facilité au point de devenir d’un ennui foudroyant… ah, les goûts et les couleurs :)

    November 23, 2013 at 16 h 11 min

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