Théâtre
“Tire-toi de mon herbe, Bambi!”, le théâtre d’objets habilement marié au clown

“Tire-toi de mon herbe, Bambi!”, le théâtre d’objets habilement marié au clown

30 July 2018 | PAR Mathieu Dochtermann

Présenté cette année à Chalon Dans La Rue après avoir eu les honneurs de MiMa l’an passé, Tire-toi de mon herbe, Bambi! est un spectacle de théâtre d’objets extrêmement drôle, porté par la cie la Cour Singulière. En exploitant quelques objets insolites et en y injectant une bonne dose d’humour loufoque, Olivier Lehmann et Hélène Rosset parvienne à créer plusieurs niveaux de lecture pour un spectacle qui ne manque pas de justesse dans sa caricature du rapport du citadin à la nature.

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Un couple de comédiens se tient derrière une table recouverte de branchages feuillus. En les écartant, ils découvrent une petite cabane, perdue au milieu de nulle part. Leur décision est prise, sans paroles: ils achètent le terrain, les ouvriers débarquent avec leurs engins de chantier, une piscine est creusée, une magnifique villa sort de terre, et, quand vient le moment de prendre possession des lieux, on lit sur leur visage toute la satisfaction – un peu bourgeoise – de ceux qui se sont bâti leur petit nid.

Le problème, c’est Bambi. L’élément perturbateur, c’est la Nature, qui intervient sous la forme d’un cerf, d’une biche et de leur faon. Qui mettent à mal le jardin bien ordonné, en y menant une sarabande d’enfer la nuit venue.

Sur cette proposition de base, Olivier Lehmann et Hélène Rosset développent une métaphore bouffonne de la volonté des êtres humains de domestiquer la Nature, de l’obsession du propriétaire de contrôler son bien et d’en exclure tout ce qui pourrait en bouleverser la physionomie bien rangée. Le délire sécuritaire de ce couple, avec ses barbelés électrifiés et ses miradors, c’est la métaphore de la folie de toute une humanité qui entend faire plier le monde à ses désirs, quels que soient les moyens nécessaires pour parvenir à ce but.

Dans leurs excès, les personnages s’autorisent à aller aux confins de la caricature: ils pourraient être inquiétants, ils sont surtout extrêmement drôles. Le traitement par un humour vitriolé de la bataille livrée sans aucune pitié à la Nature est parfaitement grinçant, et visuellement très inventif. Le mauvais goût assumé culmine dans le recyclage de divers morceaux de Bambi, après que le couple en ait triomphé – mais peut-on vraiment triompher de la Nature? Le dernier tableau, saisissant, placera le spectateur frontalement face à cette question.

Cette débauche de violence et d’humour noir n’exclut pas la poésie. Les deux comédiens savent très bien tirer effet du théâtre d’objets, où une galette de riz peut figurer la lune avec simplicité. La dimension bricolage de ce théâtre faussement pauvre, fait partie du plaisir que le spectateur tire de la proposition. La manipulation est juste et discrète, les biches représentées sous forme de marionnettes à doigts s’incarnent réellement sur le plateau de la table. Le choix des musiques d’accompagnement est lui aussi bien trouvé, et amplifie aussi bien le côté ridicule que le côté mystique de la pièce.

Certes, quelques passages manquent peut-être légèrement de rythme, mais, globalement, le jeu des deux interprètes est juste, et ils prennent à malin plaisir à s’amuser de leur propre histoire. Leur sens du tempo est excellent, ce qui est très important dans un spectacle à dimension clownesque, et leur capacité à assumer leur délire jusqu’au bout leur permet d’emmener leur public très loin avec eux. Les spectateurs sont ravis, et ne se font pas faute de le faire savoir à la fin du spectacle.

En somme, une forme courte, pétillante, dont le propos ne manque pas d’intelligence, sous le couvert d’un humour hénaurme et décapant. Un spectacle inventif visuellement, porté avec justesse: difficile de demander mieux!

Tire-toi de mon herbe, Bambi! sera encore visible dans divers festivals cet été, notamment le 3 août pour Les Nuits Del Catet, à Saint-Nazaire-de-Ladarez.

Auteurs et interprètes : Olivier Lehmann et Hélène Rosset
Regard extèrieur : Jacopo Favarelli Cie Anonima Teatro
Crédit photos : Delphine Joseph et Louise Lehmann

Informations pratiques :
durée : 30 minutes
Tranche d’âge : tout public, à partir de 7 ans

Infos pratiques

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