Théâtre
The Suit : le beau costume de Peter Brook

The Suit : le beau costume de Peter Brook

11 April 2012 | PAR Christophe Candoni

Le Costume de Peter Brook est un spectacle mémorable pour bon nombre de spectateurs dans le monde entier. Et voici que son créateur lui offre une seconde vie, toujours aux Bouffes du nord, avant Madrid, Londres et l’Italie. C’est toute l’intelligence et la malice d’un metteur en scène qu’il faut louer quand celui-ci se garde bien de reprendre la pièce telle qu’elle avait été présentée avec succès il y a plusieurs années mais la réinvente, la recréé comme Brook le fait ici avec la fidèle complicité de Marie-Hélène Estienne et Franck Krawczyk. Ainsi, ils proposent un spectacle neuf d’après la nouvelle de l’écrivain Can Themba. Il est donné cette fois en langue anglaise et avec une distribution nouvelle. Tout y est d’une justesse formidable et on en sort ravit, joyeux et ému.

Droit et rigoureusement ordonné, le costume trône au milieu du plateau sur un cintre posé sur quelques chaises colorées plutôt que suspendu aux portants sur roulettes qui occupent et délimitent l’espace. Frontal, il occupe toute l’attention avant même que cela ne commence. Philémon (William Nadylam) rentre chez lui plus tôt que prévu – ce n’est ni un hasard ni une maladresse, il suit juste les recommandations d’un ami un peu trop prévenant –  et trouve sa femme au lit dans les bras d’un autre homme. Si l’intrigue s’apparente à une scène de vaudeville, on est très loin du boulevard. L’amant déguerpit par la fenêtre. Il fuit si hâtivement qu’il en laisse ses habits ce qui n’est pas anodin car son fameux costume va s’introduire dans l’intimité du couple, selon la volonté du mari qui, pour punir sa femme adultère et la trahison qu’elle lui a faite, lui imposera l’humiliation de vivre pour toujours avec l’envahissante présence du vêtement qui ne cesse de la mettre face à sa culpabilité.

A travers cette petite histoire, c’est tout un pays, l’Afrique du sud, et ses habitants sous le joug de l’oppression en pleine période d’apartheid et de ségrégation raciales, qui sont décrits et qui suscitent l’intérêt. C’est un peu le principe de ce beau spectacle qu’offre Peter Brook : dire beaucoup avec peu. La forme est humble et brève. Et c’est bien suffisant tant l’invention est constamment stimulée. Comme la mise en scène, le jeu complice et généreux emporte et touche. Il y a plein de couleurs, de vivacité. Il y a la beauté du lieu magnifiquement éclairé. Il y a aussi les musiques, tristes et gaies, jouées par trois interprètes à l’accordéon et au clavier, à la guitare et la trompette. C’est un spectacle joyeux, teinté d’une mélancolie et d’une cruauté lumineuses, évidentes, nécessaires. On rit. L’humour y est très présent sans éclipser la tragédie qui se joue. C’est l’équilibre parfait des contrastes réunis et l’art absolu de grands artisans du théâtre. Nonhlanhla Kheswa apporte beaucoup au spectacle, même si elle est plus convaincante quand elle chante que quand elle joue la comédie. Les comédiens sont, eux, irréprochables. Par la parole, le geste, la musique, tout devient éloquent. C’est la grande force de cette petite histoire miraculeusement contée.

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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