Théâtre
Je suis un pays, l’Olympe Shakespearien de Vincent Macaigne

Je suis un pays, l’Olympe Shakespearien de Vincent Macaigne

30 November 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Dans l’épisode précédent, en 2011, Hamlet avait laissé un beau cadavre. Et après ?  Qu’allions-nous hériter de ce mort ? Visiblement : la guerre, la désolation, la fureur, la rage et le chaos. Le pire était donc à venir. Je suis un pays nous installe dans le futur, au cœur du désastre, pour une pièce mythologique écrite par Vincent Macaigne. C’est une bombe qui explose sur le Festival d’Automne dans un hurlement à la beauté scotchante 

[rating=5]

Évoquer Hamlet ici est logique. Le metteur en scène et réalisateur désabusé nous rappelle en nous accueillant dans le bordel, puis en nous faisant entrer dans la salle au son de “Ti Amo” ( comme en 2011) que le monde est resté coincé là, dans une histoire où un frère en tue un autre, comme depuis le premier jour, motivé par une seule chose : le pouvoir. Nous sommes ici en 2837, dans la salle de la Société des Nations. Des bébés végètent dans le formol, tranquilles dans leurs bocaux. Une mère (incroyable Candice Bouchet) avoue : ses enfants sont les élus. Sa fille Marie (Pauline Lorillard en poignante Antigone contemporaine)  enfantera un prophète, son fils Eddy (très juste Hedi Zada)  aura les yeux crevés. Elle paie le fait d’avoir préféré le fils à la fille et d’avoir fait commerce des organes de ses précédents enfants. Ce n’est pas rien.

Comme toujours chez Macaigne, les mots sont hurlés, non stop. Un cri juste qui part des viscères. Comment pourrait-il en être autrement ? Il faudrait rester calme et faire la tronche  ? Non. Il propose la fureur et la fête, en même temps.

Le temps passe et pourtant, les codes restent dans cette société où le show a pris le pas sur le réel. Il imagine que les hommes politiques se font élire via un jeu de télé-réalité dément “Qui veut tuer le roi” ? La référence à Trump est là.

Macaigne n’en finit pas, et c’est tant mieux, de mettre le théâtre dans le théâtre. On aura une scène suspendue dans les hauteurs où Marie sera enfermée avec le roi immortel (brillant Thibaut Evrard), figure stable de l’espoir et de l’amour. Cet espace surplombe un gradin qui sera occupé par de drôles de figurants-spectateurs, pour une performance dans la pièce pensée par Ulrich von Sidow.

Tout est dément ici, et c’est bien normal, puisque l’apocalypse a déjà eu lieu. L’eau et la boue se mêlent au sol. La fumée nous envahit et nous mouille. Le son gicle, les objets tombent. La lumière de Jean Huleu alterne entre le blanc clinique des néons et le feu des lampes torches dans les nuages. C’est beau à crever. Les images sont folles, elles s’ancrent en nous de la même façon qu’en six ans, nous n’avons jamais oublié le château immense qui se dressait dans Au moins j’aurai laissé un beau cadavre.

Tout est ici passé au crible : la sur-consommation, La realpolitik , la mise en scène de soi. Macaigne manipule avec génie, fait applaudir un dictateur (Sharif Andoura, époustouflant) ou un leader d’extrême gauche (Thomas Blanchard, parfait) qui en fait, reprend les mots de Sarkozy. Il enfume plutôt que de faire des noirs. Il joue. Et c’est en jouant que l’on apprend. Comment Donald Trump peut-il être président des USA ? A cause du brouhaha justement. A cause des messages vidés de leur sens.

“Nous serons ceux qui auront fait vriller le monde une fois pour toutes”.

Mais non,  l’avenir peut nous appartenir encore. Au fur et à mesure, les harangues au public pour applaudir le pire ne marchent plus, l’éducation a fonctionné.

Je suis un pays est la pièce de la maturité. Il ne s’agit pas d’une rupture dans le combat de Macaigne pour que “l’avenir nous appartienne”. On le découvre ici auteur merveilleux, capable d’écrire une épopée dans une langue aiguisée au poignard.

“Il n’y a plus rien à crier” dit le dictateur. Il rêve. Certes, il n’y aura pas de miracle ici, mais il y aura une jeunesse debout, aussi précieuse que les “Diamonds” de Rihana qui encore une fois, auront mis tout le monde d’accord. Debout !

Je suis un pays © Mathilda Olmi

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