Théâtre
Santa estasi, Antonio Latella met les atrides à table au Festival d’Avignon

Santa estasi, Antonio Latella met les atrides à table au Festival d’Avignon

27 July 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Avignon s’est fini hier soir, et l’un des derniers rendez-vous était le projet dantesque de Antonio Latella : 16 heures, huit  histoires, sept jeunes dramaturges. Santa Estasi est un spectacle épique, inégal dans son commencement et qui ne cesse de monter en puissance pendant ses huit dernières heures. On aura donc salué en standing ovation la dernière image du festival, celle d’une famille qui sait rendre classe la dévastation. Une façon merveilleuse de dire: à l’année prochaine !

L’idée est simple: ils font partie de notre famille. Certains sont plus proches que d’autres. On se rappelle bien d’Hélène, moins de Chrystothémis. On connait Electre, sa sœur Iphigénie et son frère Oreste. On connait leurs parents, Agamemnon et Clytemnestre. Ils sont nous, ils sont  les héros des mythes transmis par Sophocle et Eschyle. Alors, que donne cette famille où règne l’inceste et la violence si on la réunit deux fois huit heures d’affilée (8H50 et 7H40 pour être exact)? Et bien, cela se transforme en un vrai weekend avec tantes et cousins. Au début, c’est léger et cela sonne faux. L’hystérie est à tous les étages, les rires sont forcés. Puis dans les huit dernières heures on entre dans le dur, les règlements de comptes, la démence.

Alessandro Bay Rossi, Barbara Chichiarelli, Marta Cortellazzo Wiel, Ludovico Fededegni, Mariasilvia Greco, Christian La Rosa, Leonardo Lidi, Alexis Aliosha Massine, Barbara Mattavelli, Gianpaolo Pasqualino, Federica Rosellini, Andrea Sorrentino, Emanuele Turetta, Isacco Venturini, Ilaria Matilde Vigna et Giuliana Vigogna sont au plateau de façon quasi permanente. Si Antonio Latella, récemment nommé à la tête de la Biennale de Théâtre de Venisea dirigé la mise en scène des huit parties: Iphigénie en Aulide, Hélène, Agamemnon, Electre, Oreste, Les Eumènides, Iphigénie en Tauride et Chrystothémis, leur dramaturgie a été elle partagée entre Riccardo Baudino, Martina Folena, Matteo Luoni, Camilla Mattiuzzo, Francesca Merli, Silvia Rigon et Pablo Solari. Ces dramaturges et ces comédiens ont travaillé dans la ville de Modène pendant cinq mois entre l’automne 2015 et le printemps 2016.

Le décor ressemble à une maison de famille. Au centre un grand salon complément bricolé, avec des canapés désassortis, une cuisinière, un placard. Et à jardin, un mur de portes qui donnent,on l’imagine, accès aux chambres.

L’idée est de parler des relations familiales en prenant pour prétexte LA famille fondatrice du théâtre. Les comédiens sont habillés plutôt chic et les filles sont perchées sur talons de dix, souvent pailletées. Huit parties donc, à l’esthétique et au rythme très différents, donc inégaux. Tout commence  bien avec une scène fondatrice où Atrée défèque (joue la défécation rassurez-vous) ses enfants que son frère Thyeste lui avait fait manger. Cela se passe sur et autour de la table, très près du public.  Puis on glisse dans du mauvais boulevard qui détend ou énerve selon son état de fatigue. L’idée de transformer Hélène en pute multiple, prête à toutes les minauderies pour retrouver Ménélas est efficace. La crise d’ado d’Iphigénie qui supplie son père de ne pas la couper “en petits morceaux” rajoute de la tragédie inutile à la tragédie. C’est le lendemain que Santa Estasi se déploie avec une première scène qui met en abyme le théâtre en faisant d’Oreste un metteur en scène enlevé. Puis vient le cauchemar d’Oreste le matricide. Là, les comédiens s’épanouissent dans un jeu de folie, souvent silencieux. Les images démoniaques d’accumulations sont hyper justes. Puis vient l’étonnement avec la direction de Iphigénie en Tauride, une réflexion ultra sobre, sur plateau nu, sur la raison face à la religion. Étonnant, quand l’effusion a régné la veille. Le final est une leçon de théâtre, la famille absente est présente dans la voix de la mère qui veut retrouver le temps “d’avant avant”. Avant que ça vrille. L’image est léchée, ultra contemporaine, en opposition totale avec les hurlements des débuts.

Santa Estasi finit par fonctionner alors que l’on n’y croyait plus. Le théâtre opère, la forme devient reine et s’inscrit dans nos têtes. Un projet épique, dément, qui se mérite.

Visuel : (c) Christophe Raynaud De Lage

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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