Théâtre

S’agite et se pavane : Bergman au Théâtre de Montreuil

08 December 2008 | PAR loic

s\'agite et se pavaneS’agite et se pavane, pièce brillante et complexe d’Ingmar Bergman, montre des personnages désemparés, mus par des rêves de scène, au seuil de la folie et de la mort. La mise en scène de Célie Pauthe met particulièrement en valeur la complexité du texte. Pour les adeptes de Bergman, bien sûr, mais également pour ceux qui ne demandent qu’à sonder les parties sombres de la folie créatrice. Du 11 au 20 décembre au Nouveau Théâtre de Montreuil.

 

Le personnage principal est amené sur scène, devant un énorme rideau de fer, il est interné dans un hôpital pour des raisons physiques et psychologiques. Il est froid et terne, et demande à son médecin un diagnostique sur l’état de Franz Schubert à un moment  précis de sa vie. Ainsi s’ouvre la pièce. Espace clos et dialogues secs, le texte de Bergman et la mise en scène de Célie Pauthe ne cherchent pas à séduire à tout prix. Au contraire, dans ces quelques mètres où se déroulera toute la première partie de la pièce, l’ennui ne sera pas proscrit. Les échanges seront plus dynamiques lorsque arrivera un autre interne de l’hôpital, personnage grand et maigre, silhouette cartoonesque qui détonne avec l’environnement épuré. On découvre une facette de Bergman mal connue, un humour et un sens des situations absurdes (au sens camusien du terme) que l’on a peu été habitué à constater dans ses films. Ce décalage peut presque gêner le spectateur, celui-ci se disant qu’il a été trompé sur la marchandise, qu’il est venu voir du Bergman et voilà qu’on lui sert autre chose, d’un genre difficilement identifiable. La première partie surprend, fait perdre pied au spectateur.
Puis arrive une figure davantage bergmanienne : la mort, sous les traits d’un clown, vient visiter le personnage principal. Le clown est vulgaire mais sait chanter les lieder de Schubert. L’espace se fait sentir de plus en plus pesant, il offre de moins en moins de choses à observer.
C’est pourquoi il s’agrandit.

Le rideau de fer se soulève et laisse apparaître un lieu plus convivial, aux couleurs plus chaudes. Des pièces pas tout à fait séparées par des grands murs de bois. Dans ce nouveau décor s’organise une projection cinématographique. Les situations paraissent moins sèches que dans la première partie. Les personnages se déplacent beaucoup plus librement dans ce nouvel espace onirique et, libérés de leur corps malade, leurs âmes folles expriment leurs doutes et leurs amours. La femme du personnage principal qui dit l’aimer malgré le fait qu’elle le voit misérable. Le personnage principal aime Franz Schubert au point de lui consacrer le film qui fera l’objet de la projection.
Les spectateurs arrivent et à ce moment commencent réellement les meilleurs passages de la pièce, servis par une mise en scène intelligence et abyssale. Le film commence. Il s’agit d’un film muet, doublé simultanément par les acteurs situés derrière l’écran. Une fille joue du piano à l’écran ; ce piano est doublé par les acteurs sur la scène ; ce dernier est doublé par une pianiste sur le devant de la scène. Trois pianos sont visibles alors qu’un seul  joue. Alors que l’oeil du spectateur ne savait sur quoi se poser dans le petit espace de la première partie, ici, il est attiré par ces trois pianos à la fois et par la profondeur spatiale qui les sépare. En n’écoutant que leur folie, les personnages prolongeront le film en l’incarnant eux-mêmes. Bergman montre son double désir de cinéma et de théâtre. Dans cette représentation fictive, les acteurs et les spectateurs partagent une intimité impressionnante.


S’agite et se pavane est surtout intéressant dans sa deuxième partie. Le spectateur s’y retrouve, s’y voit même à travers les spectateurs fictifs du film-pièce sur Franz Schubert. Si quelques longueurs peuvent se faire sentir, la pièce a le mérite d’effectuer des mises en abyme fascinantes.

S’agite et se pavane, du 11 au 20 décembre au Nouveau Théâtre de Montreuil. De 9 € à 19 €.
Texte d’Ingmar Bergman. Mise en scène : Célie Pauthe. Musique : Franz Schubert.
10 Place Jean Jaurès, Montreuil. 01.48.70.48.90 M° Mairie de Montreuil.

Pour en savoir plus sur le spectacle, cliquez ici.

 

L. Barché

 

Atiq Rahimi : Syngué sabour, Prix Goncourt
Clip : Lily Allen, The Fear
loic

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration