Théâtre
Révélations de Léonara Miano mise en scène par Satoshi Miyagi à La Colline

Révélations de Léonara Miano mise en scène par Satoshi Miyagi à La Colline

24 September 2018 | PAR David Rofé-Sarfati

Dans la grande salle du Théâtre National de la Colline, le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi et sa troupe présente une version merveilleuse du texte de la Camerounaise Léonora Miano 

Pour en revenir à ce commerce, nos fournisseurs élevaient des individus dans le seul but de les échanger contre des denrées. Avant l’arrivée des étrangers venus par les eaux, nous en faisions déjà nos serviteurs. 

Révélation est le premier mouvement the Red in Blue trilogie; ce volet aborde une partie de l’histoire  de l’esclavage encore difficile et douloureuse à verbaliser, la déportation trans atlantique des sub Sahariens suite à des ventes faites par d’autres Africains. Il s’agissait de rendre compte de cette réalité dissimulée derrière d’autres récits avec d’autres coupables et de donner à voir la diversité des profils et des motivations de ceux qui ont commis cette indignité,  de déplier les mobiles du crime.  

Ceux qui habitaient ce continent ne se définissaient comme Africains, ils n’avait aucune “conscience de race”. Le voisin qui ne parlait pas la même langue ou ne croyait pas au même dieu était un étranger. Ce ne sont pas des Africains livrant d’autres Africains, selon une  vision occidentale qui y voit une  traite entre nous. La pièce révèle autre chose. Le mot Afrique n’est pas prononcé. La langue japonaise et l’écriture théâtrale exotique pour nos yeux d’européens opèrent un décalage radical. La pièce ne réclame pas justice. Elle n’est pas un récit exutoire. Elle souhaite révéler les raisons qui ont poussé certains à vendre leurs voisins aux étrangers venus par les eaux.

 L’Histoire devient biblique au double titre de parler aux âmes des morts et de se refuser à être une docu-fiction accusatrice ou une fable moraliste. On ne juge rien. On décrit. Et la réparation viendra de cette description même. Satoshi Miyagi qui faisait en 2017 l’ouverture du 71e Festival d’Avignon avec une incroyable Antigone, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, est un génie de la description. Son art du récit est soutenue par une chorégraphie savante des comédiens des objets, des masques et d’une combinatoire infinie époustouflante entre eux trois sur une musique envoûtante de  tambours et de clochettes. 

Révélations est une pièce qui provoque l’émerveillement. Chaque tableau est une sidération esthétique. Le terrible sujet intègre une pièce intemporelle et allégorique où l’explication se rabat sur la rancune.

Photo © Y. Inokuma, M. Hirao

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