Théâtre

Pour l’amour de Gérard Philipe au Théâtre de la Bruyère, itinéraire d’un enfant égaré

03 March 2011 | PAR Yaël Hirsch

Le talentueux Pierre Notte met en scène son texte “Pour l’amour de Gérard Philipe” au Théâtre de La Bruyère. L’histoire folle d’un jeune homme que sa mère appelle Philippe Gérard pour le dédier à la gloire. La pièce semble double : une première partie aussi brillante et caustique qu’on peut l’attendre de l’écrivain, et une deuxième partie à la fois plus onirique et plus boulevard, où apparaissent les jeunes stars, Raphaël et Emma De Caunes.

France. Années 1950. Un couple archétypal, elle (Sophie Artur) sympathisante communiste fan de Gérard Philipe et lui (Romain Apelbaum) gaulliste invétérés attendent un enfant. Il veut l’appeler Charles, elle Fanfan ou Philippe puisqu’elle a épousé son mari pour son nom de famille, Gérard. Une seule chose unit les deux parents : leur enfant sera quelqu’un. Mais l’enfant (Raphaël)  naît avec une malformation : il n’a que deux doigts. Le père meurt dans un accident de Grande roue de fête foraine et la mère écrase tellement le fils que celui-ci décide de partir pour devenir quelqu’un… à sa manière propre. Il rencontre Max Vogler (Bernard Alane) grand homme de cirque et accepte de nourrir l’Ours du numéro phare du chapiteau. La jeune femme de Max Vogler, Bibi (Emma De Caunes) a beaucoup de sympathie pour ce jeune homme courageux quoique distant…

 

 

La plume vive de Pierre Notte (“Moi aussi, je suis Catherine Deneuve”, “ Deux petites Dames vers le Nord “) est à la hauteur de toutes les attentes du spectateur, notamment dans la première partie qui croque sans mâcher les mots les petits travers d’un couple lambda de la France d’Après-guerre. Touche à tout génial, Pierre Notte ponctue la pièce d’extraits radiophoniques ou de JT et de ses propres chansons (il a sorti un album en 2009 “J’existe(et je danse)”) que tous chantent, sauf Raphaël. Visuellement, la mise en scène est superbe et, par simple projection, Notte parvient à transmuer une table et deux chaises en fête foraine, aussi bien qu’en cuisine, en cimetière, en Église ou en chapiteau de Cirque. Il dirige ses acteurs de manière à composer des tableaux qui jouent sur le kitsch qui permettent à la fois de séduire et de renvoyer le texte au deuxième degré. Si cette ascension visuelle ne cesse de grimper tout au long de la pièce, l’intrigue et le texte s’essoufflent au bout de la première heure, magistralement portée par Sophie Artur et Romain Apelbaum. Le monde onirique du cirque tourne très vite au vaudeville avec une Emma De Caunes en surjeu constant et qui entraîne avec elle le pourtant génial Bernard Alane. Seul Raphaël reste toujours juste et mesuré et après ses débuts au cinéma dans “Ces amours-là” de Claude Lelouch, le compagnon à la voix rauque montre encore une fois son talent d’acteur. Baptême des planches réussi pour Raphaël, donc, même si la deuxième heure de caravansérail de “Pour l’amour de Gérard Philipe” semble parfois bien longue.

Photos : iFoupourlepolemedia.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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