Théâtre
« Portrait de Ludmilla en Nina Simone » : une magnifique évocation de la diva engagée

« Portrait de Ludmilla en Nina Simone » : une magnifique évocation de la diva engagée

18 July 2018 | PAR Christophe Dard

Sur un texte et une mise en scène du musicien David Lescot, le spectacle, joué au Off d’Avignon à la Manufacture jusqu’au 10 juillet dernier et en tournée dans toute la France à partir de septembre, revient sur la carrière de Nina Simone, une vie imbriquée dans celle de Ludmilla Dabo, jeune comédienne et chanteuse époustouflante.

De son vrai nom Eunice Waymon, Nina Simone naît en 1933 dans une famille pauvre de Caroline du Nord. Elle veut devenir concertiste classique mais sa couleur de peau lui ferme les portes de l’entrée au conservatoire. Marquée durant toute son existence par ce rêve inaccessible, elle devient chanteuse de jazz et se fait appeler Nina Simone. Elle rencontre le succès tout en s’engageant dans la lutte des droits civiques dans les Etats-Unis des années 1960 marqués par la ségrégation raciale et les violences à l’encontre des Noirs. Nina Simone rend ainsi hommage à un militant des droits civiques assassiné en 1963 par un membre du Ku Klux Klan, Medgar Evers, puis elle apparaît aux côtés des manifestants de la Marche de Selma à Montgomery en 1965. Elle reprend également Strange Fruit de Billie Holiday, un hymne antiraciste saisissant.

Portrait de Ludmilla en Nina Simone est l’un des huit portraits imaginés depuis deux ans par la Comédie de Caen, dont David Lescot est l’un des membres du comité artistique, créations itinérantes portées par des acteurs parfois accompagnés d’un musicien. A mi-chemin entre l’entretien et le documentaire, le spectacle aborde le parcours de Nina Simone, illustré par ses grandes chansons reprises par Ludmilla Dabo, incarnation juste et parfaite de la diva. Elle réussit à nous donner des frissons comme Nina Simone le faisait de sa voix douce et grave.

Le répertoire comporte les grands classiques (Don’t let me be misunderstood, I put a spell on you, Ne me quitte pas…) et les titres dans lesquels Nina Simone affichait la fierté de ses origines. Le texte du spectacle revient par exemple sur un concert à Harlem en 1969 durant lequel Nina Simone lance au public un appel à la révolution : « Vous êtes prêts à faire ce qui est nécessaire ? ». D’ailleurs, sur scène, dans une ambiance intimiste, David Lescot joue de la guitare mais le piano est absent afin de rappeler que Nina Simone, victime du racisme, n’a jamais été la première concertiste classique noire en Amérique.

Néanmoins, la vie et les épreuves de Nina Simone sont liées à celles de Ludmilla Dabo. Ces deux existences superposées, qui se confondent parfois, soulignent que malgré un contexte différent, les progrès législatifs et le changement des mentalités, le racisme et les préjugés restent tenaces. Ludmilla Dabo raconte que sa classe de conservatoire a éclaté de rire lorsqu’elle a fait part de son souhait de jouer le rôle d’Agnès dans L’Ecole des femmes de Molière et qu’elle était l’une des rares à être issue de ce que l’on appelle la diversité.

Divertissant, implacable sur les discriminations toujours en vigueur, Portrait de Ludmilla en Nina Simone est un spectacle immanquable, d’autant que la France a toujours eu un rapport privilégié avec l’artiste. C’est dans ce pays que la chanteuse meurt en 2003 et le nom d’emprunt, Simone, est directement inspiré de Simone Signoret.

En tournée à partir de septembre 2018 :
Le 1er septembre 2018 au Festival Champ Libre à Saint-Junien
Du 21 au 23 septembre 2018 au Festival de théâtre de Princeton (Etats-Unis)
Du 4 au 7 octobre 2018 au Théâtre de Villefranche-sur-Saône
Le 6 novembre 2018 au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
Du 9 au 27 janvier 2019 au Théâtre de la Ville à Paris
Du 1er mai au 31 mai 2019 à l’Auditorium du Musée d’Orsay
Le 11 mai 2019 au Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France
Du 21 au 23 mai 2019 à la Filature à Mulhouse

Visuel : © Tristan Jeanne-Vales

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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