Théâtre
“Petite nature” et grands éclats de rire au Monfort

“Petite nature” et grands éclats de rire au Monfort

17 January 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

Le Monfort programme jusqu’au 21 janvier Petite Nature, deuxième création de la compagnie l’Unanime. Une pièce pleine d’humour, où l’imagination la plus débridée accouche d’un spectacle où le théâtre clownesque se télescope avec les arts plastiques. Le public y suit les tribulations de trois campeurs azimutés confrontés à une nature aux propriétés très surprenantes. Délirant et jubilatoire, un spectacle un peu inclassable mais qui déride les zygomatiques.

[rating=4]

Petite Nature est une invitation au lâcher-prise, à une divagation joyeuse dans les contrées de l’improbable, où la nature est à la fois sauvage, hostile, caressante, fluorescente, et où l’homme n’est pas vraiment à sa place… et n’en a clairement pas conscience! C’est à la fois une grande blague, un poème visuel, et une réflexion rêveuse et désabusée sur le rapport des jeunes urbains à leur environnement.

Petite Nature, c’est donc, beaucoup, un OVNI: un spectacle vivant, très écrit et très théâtral, mais conçu et joué par des artistes plasticiens. Evidemment, ce qui est donné à voir s’en ressent, en bien, voir en très bien: le soin apporté aux décors et aux accessoires est indiscutable, le jeu sur les lumières, les matières, les couleurs, dans une accumulation jouissive et franchement sympathique, c’est une recherche qui est peu courante sur les scènes de théâtre. Pour ces ambiances inventives, colorées, très tranchées, on a envie de tirer des parallèles avec Bob Wilson; pour l’inventivité, le plaisir enfantin de jouer avec les codes et les matières, on a envie d’invoquer Miet Warlop.

Cela pourrait augurer d’un spectacle agréable à regarder où l’interprétation aurait été négligée: bonne surprise, il n’en est rien! Le registre n’est pourtant pas facile, puisqu’il est celui de l’absurde le plus total, comédie clownesque qui consiste à jouer le plus grand n’importe quoi avec le plus grand sérieux. On pense évidemment aux Monty Pythons, ou, plus proches, aux Robins des Bois. Les trois interprètes se jettent à corps perdu dans un enchaînement de scènes surréalistes avec une conviction et un sérieux sans lesquels rien ne pourrait fonctionner. Le scénario est plus qu’improbable, et réserve son lot de gags, de bonnes trouvailles et de francs délires: l’écriture s’est fait hors plateau, en extérieur, et c’est la lente sédimentation de nombreuses heures d’improvisation qui nous est présenté là. C’est parfois un tout petit peu maladroit, un tout petit peu forcé dans l’interprétation. Cela n’a certes ni queue ni tête. Mais c’est décalé, mordant, insensé, et cela fait du bien.

Au final, cette nature faite sur scène de papier crépon fluo, de tubes néon criards, de rochers en résine, de forêts montées sur rail, quelle est-elle, et que nous raconte-t-elle? Est-ce la nature qui se renouvelle, à coups de plastique et d’encre, et qui vient reprendre ses droits? Est-ce notre rapport d’urbains déconnectés avec elle qui a transformé notre regard et nous la fait voir ainsi? Est-ce que notre environnement, et donc notre nouvel habitat naturel, c’est l’entassement de matières artificielles et de produits de notre industrie dont nous nous entourons? Aucune réponse ne sera fournie. On ne se posera même pas ces questions, occupé qu’on est à rire. Mais, après coup, on réalisera que ce spectacle nous parle de quelque chose d’important, quelque part entre la tente Quechua et les néons du sex-shop crasseux en face de la gare.

A voir, pour rire un coup et pour savourer le plaisir d’un spectacle un peu jeune mais visuellement très singulier, au Monfort jusqu’au 21 janvier.

Avertissement: ce teaser ne reflète pas ce que l’on voit sur scène… mais il en reflète bien l’esprit!

 

conception et réalisation Compagnie l’Unanime
mise en scène Laura Fouqueré
jeu Eugène Riousse, Eflamm Labeyrie, Cyril Ollivier
création lumière César Godefroy
création son Marco Benigno
création costumes Constance Grenèche
Construction décor Erol Gülgönen
collaboration artistique Axel Gouala, Augustin Grenèche
musique Cyril Ollivier
Intervenante chant Isabelle Favreau

Visuels: (C) Compagnie l’Unanime

Infos pratiques

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