Théâtre
Petite forme de théâtre d’objet… mais “Grand Oeuvre”!

Petite forme de théâtre d’objet… mais “Grand Oeuvre”!

19 May 2018 | PAR Mathieu Dochtermann

Jusqu’au samedi 19 mai La Tortue Noire a quitté sa Belle Province pour fêter les 10 ans de son spectacle Le Grand Oeuvre en le présentant à La Rue, espace culturel sis à Mandres-les-Roses. Une forme courte de théâtre d’objet, dans laquelle un alchimiste s’affaire dans son laboratoire, tandis que ses pensées se matérialise autour de sa tête. Muet mais chargé de symboles, c’est un spectacle qui flirte avec la magie et l’illusion : d’explosion en nuage de fumée, la technique du théâtre noir permet aux pensées de se manifester comme si elles volaient dans l’espace du castelet. Captivant et diaboliquement distrayant!.
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Sur scène se dresse une tente aux velours chamoirés, ourlés de broderies d’or. Devant son ouverture dirigée vers le public, une table couverte des outils de l’alchimiste : cornue, récipients et ustensiles divers de cuivre et de bronze. Un humain, recouvert d’une robe de bure, capuche ramenée sur sa tête, est face contre la table. Est-il évanoui, endormi, en transe ? Lorsqu’il se redresse à mesure que les lumières de la salle s’éteignent, on découvre un homme de haute stature, au crâne parfaitement lisse, le regard grave.

Avec des gestes précis, il manipule ses instruments. Que cherche-t-il ? Le Grand Œuvre assurément, quelque illumination, la Pierre Philosophale… A mesure que le spectacle avance, ses manipulations vont créer de petites explosions, des nuages de fumée parfumée, des étincelles incandescentes. Il y a un plaisir enfantin à assister à ces feux d’artifice miniatures, mais ils sont aussi porteurs de symbolique, car ils entrent en résonance avec les pensées de cet être mi-chimiste, mi-magicien.

Par la magie du théâtre noir, un manipulateur qui se confond avec l’obscurité de la tente manipule divers objets pour matérialiser les pensées de l’alchimiste. Les idées, puis des représentations du monde naissent autour du crâne de l’interprète, et le guident sur les voies du temps. Visitant le passé autant que l’avenir, entre genèse symbolisée par un couple sous un arbre et guerres modernes figurée par des immeubles sous les bombes, l’alchimiste embrasse en quelques minutes le destin de l’humanité.

Quand les manipulations aboutissent à la création d’un œuf d’or, c’est l’homme lui-même qui finit par se métamorphoser. Dans une très belle image finale, c’est sans doute à l’ascension de son esprit que nous assistons. Vers quelles sphères supérieures ? Si le spectacle est assez puissamment entremêlé de symboles qui renvoient à des mythes judéo-chrétiens, et si le personnage ressemble à un moine, par son comportement emprunt de retenue et de mystère, l’atmosphère irréelle créée par les artifices et les visions permettent de laisser la question ouverte.

Evidemment, s’agissant de théâtre noir, la lumière est réglée avec minutie. La bande sonore, qui suggère en toile de fond des bruits venant renforcer la teneur des symboles visuels – cris, bruits de bombes, sanglots – peut impressionner les plus jeunes spectateurs.

Au final, un spectacle de théâtre visuel habile, riche de sens et de trouvailles, qui déroule une dramaturgie simple mais réellement hypnotisante pendant les 20 minutes qu’il dure. Une preuve que la simplicité peut rimer avec la qualité.

Dernière séance de cette mini-tournée samedi 19 mai, pour tous publics, à l’espace La Rue de Mandres-les-Roses.


Interprétation Martin Gagnon
Manipulation: Dany Lefrançois
Conception et Mise en scène : Dany Lefrançois
Assistance à la création : Julie Pelletier
Conception sonore : Guillaume Thibert
Conception visuelle : Martin Gagnon, J. Pelletier
Visuel: cie La Tortue Noire

Infos pratiques

Théâtre 13 / Jardin
Théâtre de l’Entrepôt
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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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