Théâtre
“Petit éloge de la nuit” : promenade ouverte aux contrastes prenants

“Petit éloge de la nuit” : promenade ouverte aux contrastes prenants

20 April 2017 | PAR Geoffrey Nabavian

Après le Théâtre de l’Union, à Limoges, ou le Rond-Point, à Paris, ce Petit éloge… visite cette semaine le Théâtre du Jorat, à Mézières (Suisse). Pour continuer à y parler de nuit, sous forme de fragments… Assez ouvert, et assez prenant, pour que nos rêves et nos réflexions à nous s’y insèrent, ce spectacle peut compter sur le corps et la générosité de Pierre Richard, admirablement encadré par l’équipe menée par Gérald Garutti.

[rating=4]

nuit-pierre-richard-mer-gerald-garutti-2000x1500Vers le début de Petit éloge de la nuit, Pierre Richard, d’abord entré d’un pas calme, avec une voix sereine, mime tout à coup son arrivée dans la chambre où il va dormir. Sa présence très forte, son corps très habité, offrent un contraste saisissant vis-à-vis de ce qui a précédé. Le spectacle va ainsi se révéler très marquant lorsqu’il fera dialoguer ce corps vif, parfois agité par une intranquillité bienvenue, et ces balades textuelles plus aériennes, plus posées. On aura droit, par exemple, à une partie de chat avec une lune au sol. Suivie d’un passage assez beau sur l’astre nocturne, qui veille toujours. A cet ensemble s’ajoutera un très beau travail sur la vidéo, pas trop chargé en effets, pas prétentieux non plus, dirigé par Pierre-Henri Gibert, Pauline Maillet, Gérald Garutti, ainsi que Renaud Rubiano. Des rêves, représentés avec assez d’espace pour qu’on les sente proches de nous : on y verra, notamment, Pierre Richard avec son lit sur un lopin de terre entouré par la mer. Moment très esthétique, et assez lyrique.

La matière textuelle fera, elle, se côtoyer le recueil sur la nuit écrit par Ingrid Astier, et des écrits d’Edgar Allan Poe, de Charles Baudelaire… Si tous les textes n’accrocheront pas, à part égale, l’attention, certaines phrases, attrapées au vol, marqueront tout à coup. Et on aimera, par exemple, le passage sur les cauchemars : moment de retombée dans l’âge de l’enfance, qui nous travaillera… En fait, la forme de ce corpus, tissé de petites réflexions, et d’instants doucement lyriques, fait montre de suffisamment d’ouverture pour que chacun puisse être touché par ce qu’il veut. Avec, pour guide, la générosité de Pierre Richard… L’écriture d’Ingrid Astier, qui reste la plus présente, sait à ce titre traverser plusieurs registres, en demeurant, globalement, dans un style littéraire léger et mystérieux.

On aime donc parcourir ces chemins parfois inattendus, entre jeu terrien et pensées aériennes. Si le rythme, parfois, se fait un peu trop uniforme, la simplicité du dispositif permet parfaitement l’écoute attentive. Et le voyage, à la suite de cet être curieux, doté d’une personnalité originale. Et d’une sincérité qui imprègne tout le plateau…

*

Petit éloge de la nuit est à voir les 20 et 21 avril au Théâtre du Jorat, à Mézières (Suisse).

Petit éloge de la nuit. Texte Ingrid Astier, publié aux éditions Gallimard. Adaptation libre et mise en scène Gérald Garutti. Avec Pierre Richard. Danse Marie-Agnès Gillot. Dramaturgie et assistanat à la réalisation Zelda Bourquin. Collaboration artistique Païkan Garutti et Laurent Letrillard. Assistanat à la mise en scène Raphaël Joly. Création musicale et sonore Laurent Petitgand. Scénographie et lumières Eric Soyer. Vidéo Renaud Rubiano. Réalisation des films Pierre-Henri Gibert, Pauline Maillet et Gérald Garutti. Costumes Joël Viala. Régie générale et plateau François Pélaprat. Régie lumières Jérôme Delporte. Régie son et vidéo Steven Guegan.
Décor construit par les ateliers du Théâtre de l’Union Alain Pinochet, Claude Durand.

Visuel : © Petit éloge de la nuit / Crédit photo : Pauline Maillet

Infos pratiques

La réouverture lumineuse de la MC93
Mastodon : le nouveau réseau social qui fait de l’ombre à Twitter
Avatar photo
Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration