Théâtre
Noli me tangere, un divertissement biblique un peu creux

Noli me tangere, un divertissement biblique un peu creux

29 April 2011 | PAR Christophe Candoni

La dernière création du metteur en scène Jean-François Sivadier est un texte écrit par lui-même et servi par ses acteurs fétiches. La pièce a vu le jour au Théâtre National de Bretagne à Rennes en janvier dernier, elle passe par Paris, investit les ateliers Berthier pour un petit mois, et tombe à pic juste après les fêtes de Pâques puisqu’il y est question de « ressusciteur ». L’auteur emprunte son titre à la formule biblique « Noli me tangere » extraite de l’Evangile selon Saint Jean, met en scène Ponce-Pilate, et la princesse Salomé qui réclame à son beau-père la tête du prophète Iokanaan. Apparemment réalisé à partir des textes chrétiens, influencé par Shakespeare et Feydeau, le spectacle est une parodie baroque et foutraque, inégalement inspirée, surtout bien longuette, malheureusement pas à la hauteur de l’ambition de son signataire.

Si l’action se déroule dans le royaume de Judée sous la domination romaine plusieurs années avant notre ère, le propos de la pièce de Sivadier fait furieusement écho à notre époque décrivant ainsi l’arrogance d’un système politique qui tend à s’effondrer, la violence qui accable le pauvre et l’étranger, la poussée des nationalismes, la dégradation, le désordre et la confusion qui règnent dans les mécanismes et l’exécution du pouvoir. La belle et imposante scénographie occupe l’étendue de l’espace, ses hauteurs et profondeurs, pour représenter un palais délabré où la poussière et la pluie s’échappent du toit. Des toges de péplum sont revêtues sur des costumes contemporains. Les éléments scéniques comme le langage reposent sur l’anachronisme.

Le texte pose problème et déçoit. Passons sur la dimension tragique de l’histoire qui nous est racontée puisqu’elle est complètement évincée au profit du rire ; soit, mais pour faire une bonne comédie, il faut du rythme et de l’efficacité. La pièce ne manque assurément pas de fantaisie mais de finesse oui. Revu et corrigé de façon excessivement prosaïque par Sivadier, le mythe de Salomé paraît trivial et la caractérisation des personnages est souvent réductrice. Voyez le libidineux Hérode qui se caresse le téton en invitant Salomé à venir « boire un coup ». L’abondance de blagues et de jeux de mots de ce niveau, cela ferait la matière d’un sketch amusant mais tout s’étire et s’essouffle pendant plus de deux heures trente sans entracte. On pourrait couper dans les longs monologues, les ineptes interventions d’un ange neurasthénique (Nadia Vonderheyden) qui après une entrée tonitruante au son des trompettes de Bernstein n’a d’autre rôle que le commentateur inconsistant de ce qu’il se passe, c’est pareil pour la troupe d’acteurs qui, comme dans Hamlet, répètent et jouent une pièce pour l’anniversaire du Tétrarque. L’occasion est saisie pour faire des clins d’œil rigolos mais convenus à la scène des artisans du « Songe d’une nuit d’été ». On savoure quand même la composition de l’excellent Nicolas Bouchaud qui interprète René, un comédien complaisant qui veut tirer la couverture sur lui et jouer les rôles de ses camarades.

Dans ce rôle secondaire comme dans celui de Ponce Pilate, l’acteur est drôle et survolté, il mène une troupe d’acteurs énergiques et endurants mais aux prestations plus diversement convaincantes. Ils suivent le principe de la distanciation, travaillent de manière inventive et homogène à un jeu déréalisé, sans psychologie, font un théâtre gourmand de théâtre, hétéroclite, pas policé du tout mais jamais brouillon. Salomé par Marie Cariès est une petite brunette fière et rebelle (« elle se prend pour Antigone » lance un des personnages) habitée pendant sa danse, quasi en transe à la fin, c’est la meilleure scène du spectacle.

 

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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