Théâtre
« Monsieur Chasse » avec génie au Théâtre 14

« Monsieur Chasse » avec génie au Théâtre 14

03 June 2013 | PAR Camille Hispard

 

 

Monsieur Chasse est un des plus brillants vaudevilles de Feydeau qui illustre ici les transgressions multiples au sein d’un couple en mettant au cœur tromperies et mensonges qui se croisent et se défont dans un bal magistral, soutenu ici par une mise en scène brillante, sublimée par des acteurs d’un talent et d’une subtilité rares pour le genre.

L’histoire commence comme beaucoup de vaudeville classique, soit, par une histoire de tromperies et de relations extra-conjugales. La différence avec Feydeau c’est que l’intérêt ne réside pas dans un amant caché dans le placard ou un jupon dans le tiroir, mais dans une qualité de texte et de rythme qui révèle beaucoup de vérité et d’ambivalence sur la nature humaine.

PhotoLot MChasse13Duchotel (somptueux Jean-Paul Tribout) passe son temps à la chasse se targuant d’être un véritable maître en la matière. Durant ses absences répétées durant lesquelles il court le lièvre et le lapin, son meilleur ami Moricet (Jacques Fontanel) fait la cour à sa femme Léontine (Marie-Christine Letort), démontrant par une thèse quasi-mathématique que la chasse est une excuse pour tromper sa compagne. Roi de la mauvaise foi, ignoble mais délicieux, Moricet balance des répliques d’une drôlerie et d’un cynisme corrosif.

Partant du postulat que tant que son mari ne l’a pas trompé officiellement, elle ne cédera pas à la tentation d’un amant, Léontine combat ses doutes et ses questionnements avec ferveur, malgré le bagout et l’éloquence du petit écrivain un brin pathétique qu’est ce médecin de Moricet ; interprété par Jacques Fontanel, dont les traits rugueux et profonds rappellent ceux de Michel Galabru.

S’ensuit des quiproquos et des intrigues qui mèneront tout ce beau monde le même soir dans la garçonnière de Moricet, croisant des personnages charismatiques et atypiques tels que le cousin Gontran, jeune dandy dévergondé et gauche qui taxe sans arrête de l’argent à sa famille pour combler sa maîtresse ; ou encore la Contesse de Latour du Nord, déjantée et envahissante qui a été déchue de son rang pour avoir aimé un dompteur du cirque Fernando.

Le rythme est frénétique et enchaîne les gags relevés et subtils en faisant rebondir les répliques sans temps morts. Au-delà d’un amusement certain lié à ces marivaudages, cette pièce pose la question de la morale et d’une société à tendance manichéenne qui choisit de mettre volontairement le mari et la femme dans une position culpabilisante.

PhotoLot MChasse10Comme dans tous les vaudevilles les pièces du puzzle se rejoignent avec délice et l’on poursuit cette épopée burlesque avec envie.

Ce qui sauve cette pièce d’une vision qui pourrait être trop surannée, c’est la qualité des acteurs et de la mise en scène. Si dans certaines représentations, la trivialité du propos de Feydeau et la place de la sexualité dans ses pièces affichent un rendu grotesque et surjoué, ici, au contraire, tout est maîtrisé et savamment interprété.

Les déplacements sont mini-métrés et basés sur un esthétisme du plateau magnifique, à travers une symétrie des espaces et des ouvertures. Quatre portes et un placard amovible qui permettent cet enchaînement de cascades et d’ambiances ingénieuses. Les acteurs, jamais dans la caricature mais toujours dans l’autodérision sincère, livrent tous, une partition absolument géniale, exprimant avec ravissement toutes les faces bancales et sournoises de l’homme dans une tendresse et une compassion remarquables.

Les lumières habillent ces tournoiements amoureux à travers des lueurs tantôt tamisées tantôt perçantes et brillantes. Costumes authentiques et soignés, décor élégant et raffiné et mise en scène de grande qualité : enfin un Feydeau charnel et sensuel qui nous emporte totalement, sans jamais tomber dans un théâtre de Boulevard vulgaire et béotien. Foncez au Théâtre 14 !

Visuel (c) : photos Lot.

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Camille Hispard

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