Théâtre
[MiMa] “Ma biche et mon lapin”, le collectif Aïe Aïe Aïe plus fort que les Feux de l’amour?

[MiMa] “Ma biche et mon lapin”, le collectif Aïe Aïe Aïe plus fort que les Feux de l’amour?

04 August 2018 | PAR Mathieu Dochtermann

Une autre occasion de découverte dans le IN du festival MiMa, le désopilant Ma biche et mon lapin du très talentueux Collectif Aïe Aïe Aïe. Quand un théâtre d’objets maîtrisé rencontre une intention clownesque bien assumée, cela peut partir loin, très loin. Trois histoires de couples, autant de duos d’objets, beaucoup de hauts-parleurs car beaucoup de musique, très peu de sérieux, beaucoup de travail d’écriture et une interprétation au poil. Se déguste bien frappé, à toute heure du jour ou de la nuit.

[rating=5]

Dès la porte, Il nous accueille chaleureusement et nous convie à l’intérieur, où Elle nous guide vers nos places. Ce sont Eux, les deux comédiens-manipulateurs, mais ce sont aussi Eux, les premiers personnages de cette pièce où tout se joue en duo: les objets vont par paire, les humains ne se rencontrent que pour être aussitôt frappés par la foudre, et, fatalement, les couples se font et se défont. C’est le bazar. C’est plein de rebondissements. C’est jouissif et décomplexé.

Ca l’est d’autant plus que Eux, Charlotte Blin et Julien Mellano, se donnent un plaisir communicatif à ne pas se prendre au sérieux, tout en mettant une très grande application à nous entraîner dans leur délire. Ils manipulent évidemment, et ils le font avec toute la fluidité et la clarté de ceux qui en ont une longue habitude. Les gestes sont précis et dynamiques. L’attention du spectateur est attirée exactement où il faut, quand il le faut. Le genre d’interprétation que l’on qualifie cavalièrement de “très propre”. Mais elle est plus que ça: elle est inspirée. Car il s’y rajoute un jeu qui rend l’ensemble délectable.

La Charlotte et le Julien, ils ont le chic pour faire les clowns. Avec une expressivité tout-à-fait extraordinaire, ils font passer des myriades de masques sur leur visage… ou au contraire ils suspendent le temps dans un ralenti désopilant. Toutes les astuces de l’écriture clownesque sont convoquées, et tout tombe juste: les situations, le rythme, le lent – mais certain – glissement du familier vers le grand-n’importe-quoi, tout est là, et tout fonctionne. Avec, en plus, le mérite de révéler le potentiel des objets employés, habilement mis en scène dans tout ce qu’ils peuvent avoir de ridicule, de suranné, d’idiot, de clownesque enfin.

Le tout tient sur une trame narrative simple et lisible mais parfaitement récréative: des couples se trouvent, se voisinent, se déchirent, se recomposent. Le tout est soutenu par la musique, sélectionnée avec soin, omniprésente, qui est presque un troisième interprète tant elle colore les situations. D’ailleurs, elle est visiblement en jeu, du fait que chaque nouvelle situation introduite s’appuie sur un objet-décor qui recèle son propre haut-parleur, pour installer sa propre ambiance musicale. Si, au passage, c’est l’occasion de danser une danse de Saint-Guy sur de la grosse techno, alors c’est tant mieux!

Une autre manière de faire de l’objet, pas révolutionnaire dans l’intention, mais avec une véritable esthétique, une recherche soignée, et énormément de maîtrise. On devine tout le travail technique qu’il a fallu pour en arriver là, tout ce que cela demande d’énergie et de concentration pour le porter, plusieurs fois par jour, devant des salles combles.

A ne surtout pas bouder, si l’occasion se présente, et que vous avez 30mn de liberté à offrir à vos zygomatiques. Malheureusement, le spectacle ne joue plus dans cette édition de MiMa, mais on peut le retrouver notamment les 18 et 19 septembre à Choisy-le-Roi.

conception et interprétation : Charlotte Blin et Julien Mellano
Visuels: (c) Collectif Aïe Aïe Aïe

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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