Théâtre

Maudites vacances

25 August 2009 | PAR Yaël Hirsch

Au Théâtre du Nord-Ouest, la compagnie Théâtre vivant époussette le buste de Carlo Goldoni pour proposer une Trilogie de la villégiature transposée du XVIII e siècle au krach boursier des années trente. Quand la bourgeoisie désargentée de Livourne part en vacances à Montenero, les intrigues amoureuses se nouent et se dénouent avec un peu plus de classe et parfois plus de suspense que chez les gamines huppées de Gossip girls.

trilogiePetite salle pour la ville et grande salle pour la campagne, les ressources d’intimité du théâtre du Nord-Ouest conviennent parfaitement à l’expérience que propose la metteuse en scène Carlotta Clerici : nous rendre proches les dilemmes de personnages sortis de la tête d’un dramaturge vénitien du XVIII e siècle. Pour ce faire, la jeune femme a retraduit dans une langue contemporaine le texte de Carlo Goldoni et l’a écrémé des derniers restes de la commedia dell’arte. Deux ou trois domestiques donc, et pas plus, pour ces gens un peu snobs de Livourne qui s’intéressent surtout aux apparences, même quand à leur porte, les fournisseurs doivent faire beaucoup de bruit pour essayer de se faire payer. Le tout est transféré dans les années 1930, le climat de crise économique étant tout à fait d’actualité. Et finalement, le protocole reste le protocole et n’a pas tellement changé : on se rend des visites entre bourgeois, on divertit la compagnie avec des jeux de cartes, on se fait faire des jolies robes à la mode même si l’on n’a pas de quoi payer de boulanger, on arrange des mariages à la hâte, et si une veuve a un joli porte-monnaie, elle trouvera toujours un homme bien fait de sa personne pour l’accompagner.

Les amours contrariées de la jolie Giancinta (excellente Rebecca Aïchouba qui oscille avec grâce du caprice au drame) sont prenantes : un vieil ami de son père convainc ce dernier de la donner en mariage à Leonardo (Simon Gleizes), en apparence, fils de très bonne famille. Pour que les choses soient bien claires avant le départ estival en vacances, un contrat de mariage est signé. Mais arrivée à Montenero, où elle réside avec son père, sa tante, et où elle a emmené le joli Gugliemo (Pascal Guignard), Giancinta se rend compte qu’elle n’aime pas Leonardo, son fiancé, mais Gugliemo. Les vacances se transforment en enfer pour la jeune fille qui refuse de revenir sur la promesse donnée et de compromettre son honneur. En parallèle à cette intrigue principale, d’autres amours se développent dans l’ennui cancanier d’une villégiature où l’on ne fait que manger et boire. Pour imiter sa maîtresse Giacinta, Brigida (Nathalie Lucas) aimerait, entre deux services d’apéritif, pouvoir épouser le valet de Leonardo, Paolo (Jean Tom). Vittoria, la sœur de Leonardo (Isabel de Francesco) s’éprend elle aussi de Gugliemo. Et la tante de Giacinta souffre, parce que son divertissant amant (pétillant Benoît Dugas) exige une dotation pour l’épouser. Enfin, la jolie femme de marchand Costanza (Florence Tosi) a amené sa nièce pauvre, parce qu’elle est jeune et divertissante, et celle-ci tombe dans les bras du fils du médecin. Bref, des vacances mouvementées pour les personnages et croustillantes pour le public qui suit l’évolution rapide des liaisons avec autant de plaisir qu’un bon feuilleton.

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La qualité des comédiens, leur belle stature tout à fait italienne, le sans chichi de la mise en scène, et la rapidité des dialogues font honneur au tableau enlevé de la nature humaine imaginé par Goldoni. Cette Trilogie de la villégiature a la légèreté d’une belle fin d’été et l’on rit beaucoup de situations et de sentiments qui nous sont étonnamment proches. Pari gagné donc, pour la talentueuse metteuse en scène Carlotta Clerici, qui nous livre un théâtre bien vivant et parfaitement orchestré.

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“La trilogie de la villégiature” de Carlo Goldoni, mise en scène : Carlotta Clerici,, jusqu’au 2 octobre, les jeudis et vendredis 27, 28 août,10, 17, 24 septembre et 1ier octobre, pièce 1 : 17h, pièce 2 : 19h, pièce 3 : 20h45, ainsi que les vendredis 4, 11, 18 septembre et 2 octobre, pièce 1 : 19h, pièce 2 : 20h45, pièce 3 : 22h30, Théâtre du Nord-Ouest, 13 rue du Faubourg Montmartre, Paris 9e, m° Grands Boulevards, 20 euros.

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Le plus : pour les entractes, le bar du théâtre du Nord-Ouest est vraiment sympathique!


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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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