Théâtre
[Live Report Chalon Dans La Rue] Le théâtre comme un coup de poing: “Yvonne…”, expérimental et troublant

[Live Report Chalon Dans La Rue] Le théâtre comme un coup de poing: “Yvonne…”, expérimental et troublant

22 July 2016 | PAR Mathieu Dochtermann

En présentant Yvonne, princesse de Bourgogne sur Château-Tobaggan, adapté de Witold Gombrowicz, la Compagnie En rang d’oignons frappe fort: un théâtre de rue expérimental, interpellant, où le rôle-titre est joué par une comédienne différente chaque jour, qui incarne Yvonne, le souffre-douleur d’une Cour imaginaire. Violent autant que troublant.

Dans une cour de récréation, justement équipée d’un chateau-taboggan, le public vient assister à une expérimentation qui ne peut que fasciner: quel effet peut bien être produit par l’insertion, dans une pièce bien rôdée jouée par une compagnie dont les membres sont complices, d’une actrice extérieure qui ne jouera qu’une seule et unique représentation? Au niveau de la technique dramatique, quelles improvisations apportera-t-elle, qui rendront la représentation unique? Au niveau de l’émotion, quelle sera la résultante de l’exposition de cette comédienne courageuse à un scénario où elle incarnera l’objet du jeu sadique de têtes couronnées ravagées, chacune, par leurs névroses et leurs démons intérieurs? L’idée est géniale, car tout est fait pour que le public puisse s’associer aux souffrances d’Yvonne… en facilitant l’empathie avec l’actrice d’un soir. Cette proximité et cette complicité avec la jeune femme qui, comme le public, ne sait pas exactement à quoi s’attendre, et qui, comme le public, montrera parfois des signes de surprise, permet une identification très forte et abolit la distance résultant de la convention théâtrale usuelle: parmi les complices qui jouent la comédie, l’une est moins complice que les autres… Les autres acteurs étant excellents dans leurs rôles de personnages abominables et cyniques, la violence du traitement qu’ils réservent à Yvonne, dont ils usent et dont ils abusent, devient extrêmement sensible pour le spectateur, qui frissonne plus d’une fois de révolte et de dégoût. L’engagement des acteurs, d’ailleurs, force le respect, autant que l’intelligence de l’écriture et le soin extrême apporté à la scénographie. La dramaturgie est, somme toute, classique (élément perturbateur, crise, résolution), mais très efficacement menée. Un spectacle diabolique, tragique, une mise en scène d’instincts primaires, manipulateurs et violents, avec un engagement inaccoutumé du spectateur: une pièce étonnante et forte, à déconseiller aux âmes sensibles.

Jusqu’à samedi inclus, à 18h, sur billetterie.

 

Direction artistique, conception : Edith Amsellem // Auteur : d’après Witold Gombrowicz // Comédiens : Marianne Houspie, Jean-Noel Lefevre, Stephan Pastor, Anne Naudon, Camille Régnier-Villard, Frederic Schulz-Richard, Yvonne princesse de Bourgogne (différente à chaque représentation) // Création sonore et musique : Francis Ruggirelllo // Techniciens : Laurent Marro

Visuels: © JM Coubart

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