Théâtre
“L’idiot”, la nostalgie à vif de Macaigne au Festival D’automne

“L’idiot”, la nostalgie à vif de Macaigne au Festival D’automne

02 October 2014 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Difficile de dire si c’est avant ou après car ce spectacle à été créé avant Au moins j’aurais laissé un beau cadavre et recréé là maintenant en 2014. Un spectacle abouti à l’écriture resserrée et à la mise en scène accumulatrice délicieusement foutraque.

[rating=5]

En cinq ans, Vincent Macaigne est devenu une star. Star de la mise en scène, star du cinéma en tant que réalisateur, en tant qu’acteur. Mais la communauté théâtrale était impatiente de le retrouver au théâtre, cela faisait maintenant plusieurs années que nous n’avions pas entendu ses cris, depuis En Manque en 2012. Mais attention Vincent Macaigne n’aime pas ce mot, il dit même que ses comédiens ne crient pas. Il nous avait confié en interview “J’ai un rapport au cri plus compliqué, ce n’est pas du cri, c’est une pensée très forte”. Disons juste qu’ils parlent très fort, comme quand on est très énervé et les personnages de cet Idiot ont de quoi. Ici on est marié de force, on ne meurt pas quand on le désire, on n’ habite pas la où on voudrait vivre et les libéraux veulent faire passer l’économie avant les hommes, tandis que le socialisme veut lui étouffer leur liberté.

Le décor sera ici mouvant, acteur parmi les acteurs, théâtre de l’évolution des personnages. Deux actes pour 3h30 de spectacle, deux actes séparés par 15 années. L’histoire est celle de l’Idiot de Dostoïevski, repensé par les comédiens et le metteur en scène. L’histoire d’une jeune fille, Nastassia Filippovna (Servane Ducorps), qui ne veut donc pas épouser celui que son père ,qui n’est d’ailleurs pas son vrai père , veut lui imposer contre de l’argent. Elle tombe amoureuse d’un Prince idiot mais pour des raisons que vous apprendrez, elle ne veut pas de cet amour et offre sa passion à la fragile Aglaia (Pauline Lorillard) Ça c’est pour la partie feu de l’amour de l’histoire mais L’Idiot est bien sur une pièce politique qui voit le capitalisme s’opposer au libéralisme et que Vincent Macaigne bascule avec talent dans l’actualité, osant même inviter François Hollande et Nicolas Sarkozy à la table ou plutôt à la télévision.

Vincent Macaigne est aussi un magicien manipulateur d’images qui si vous l’acceptez vous emmènera loin dans des brumes, dans de la mousse, dans la terre, dans le sang ou dans l’eau. Les costumes sont hybrides, symboles du passage de la jeunesse éternelle à la sensation de l’avoir perdue. Une veste à paillettes devient boule à facettes échouée, et l’image ancrée.

Idiot ! parce que nous aurions du nous aimer pour le titre intégral est un spectacle extrêmement générationnel qui séduira sans doute plus tous ceux qui nés à la frontière des années 70 ou 80 ont connu dans foulée le sida et la crise et n’acceptent pas encore de vieillir. La bande-son nous aide à penser cela, entre Nirvana et Léo ferré la nostalgie est là tout le temps et même on nous hurle dessus quoi qu’en dise le metteur en scène, il nous prend par les tripes.

Toujours aux frontières de l’art plastique de la performance du théâtre, il nous autorise à fermer les yeux, parfois il nous le demande et on se plie volontiers à son désir. Parfois il ne le demande pas et nous regardons plutôt que d’écouter, une autre fois nous faisons l’inverse. Bref, embarquez dans la schizophrénie du Prince Mychkine, milliardaire par hasard, idiot par choix, verbeux puis silencieux.

Il se passera toujours quelque chose que vous détestiez que vous adoriez il y a des images ici qui resteront indélébiles et qui feront mentir le frontispice en ballon qui inscrit en lettre cheap “Ailleurs c’est mieux qu’ici”. Non ce n’est pas vrai ailleurs ce n’est mieux qu’ici, et même peut-être, au Théâtre de la Ville et au Festival d’Automne c’est souvent mieux qu’ailleurs. La rage est là intacte. Dan Artus (Rogojine), Servane Ducorps (Nastassia Philippovna),Thibault Lacroix (Hippolyte),Pauline Lorillard (Aglaia Ivanovna),Vincent Macaigne (Fils De Pavlichtcheff),Emmanuel Matte (Lebedev),Rodolphe Poulain (Totski), Thomas Rathier (Gania Ivolguine), Pascal Reneric (Le Prince Mychkine), tous jouent au delà d’eux mêmes, la troupe est ici poussée à son maximum dans une violence qui s’accompagne toujours d’humour.
Macaigne n’a pas vieilli il a grandi.

 

Visuel : Samuel Rubio

Spectacle présenté au Théâtre de la Ville jusqu’au 12 octobre puis du 4 au 14 novembre à Nanterre-Amandiers

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

2 thoughts on ““L’idiot”, la nostalgie à vif de Macaigne au Festival D’automne”

Commentaire(s)

  • sara

    ***L’idiot!*** de VINCENT MACAIGNE est un théâtre moderne en images , peintures vivantes, couleurs, paillettes , fêtes , cris de joies , danses,chants, il est sincères avec des comédiens forts doués et qui s’investissent fort: les spectateurs enchantés de vouloir participer à la fête avec les comédiens, (vrais en son)est démesuré, mais il est aussi prévu de se protéger les oreilles et pour les spectateurs des premiers rangs aussi ; merci et bravo à metteur en scène et son équipe *on passe une soirée de fêtes et un voyage dans le temps **Dostoiveski** comme aujourd’hui
    “”la politique”” ! y est .

    October 3, 2014 at 9 h 57 min

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