L’espérance en un éclair: How to disappear completely du Blitz Theatre Group

Performance qui oscille entre pessimisme et optimisme, la dernière création du Blitz Theater Group déjà montrée au dernier Festival d’Avignon fait le pari du réalisme, celui qui consiste à croire au miracle de l’action. 

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Treize ans que le Blitz Theatre Group dispense ses éclairs de génie sur la scène athénienne. Treize ans que leurs pièces éclairent le temps présent au travers d’une esthétique de la désolation profondément mystérieuse et poétique.

La poésie est d’ailleurs à l’inspiration de cette nouvelle création. On ne peut s’empêcher de saisir la portée ironique d’un emprunt à Friedrich Hölderlin. Si l’excellence des vers de l’Allemand n’est plus à démontrer, c’est aux Grecs qu’il revient, dans une Europe déchirée, de réenchanter le rêve commun. S’affronter au délabrement de l’union et au délitement du monde n’est pas chose aisée. L’ouvrage inlassable des acteurs sur le plateau témoigne de cet élan vital, mais aussi de la lutte et de la hargne, qu’il s’agira de déployer pour survivre à la catastrophe programmée.

Monde post-apocalyptique, sans dessus-dessous, le plateau est jonché de squelettes de métal, de pierres ou de troncs d’arbres tombés ci et là au gré des soubresauts du plafond. Liés mais séparés, les acteurs se livrent dans ce décor à une chorégraphie mystérieuse : s’activant sans relâche pour construire ce qui, dans l’épais brouillard, semble être des abris de fortune, ces personnages nous fascinent autant qu’ils nous effraient. La dureté du monde qui nous est dépeint, l’absurdité de certaines occupations, le silence qui, tel un fil conducteur, se transmet des acteurs au public, oblige le spectateur en quête de sens à faire sienne la poétique de l’expérimentation.

Econome en mots et en actions, le théâtre du Blitz Theatre Group a de quoi désorienter. Plus proche du tableau vivant que du théâtre du texte, cette forme théâtrale suggère plus qu’elle ne martèle. Photographique et pourtant terriblement politique, l’esthétique stupéfiante ne cède rien à la force du propos. Celui-ci se découvre non pas à la lecture des sous-titres du poème d’Hölderlin – superflus nous en convenons – mais entre les lignes des trajectoires dessinées par le mouvement des échafaudages que gravitent les acteurs. La promesse de l’évasion est tenue à condition de saisir, dans les profondeurs de la nuit noire, la leçon de réalisme politique murmurée par How to disappear completely : à savoir croire au miracle de l’action humaine, croire au surgissement de nouveaux commencements. Un pouvoir qui ne disparaîtra complètement que lorsque les hommes se sépareront, lorsque les hommes cesseront d’œuvrer ensemble pour tenter, à tâtons, de construire un nouveau monde.

Visuel : © Elina Giounanli