Théâtre
“Les Parisiens” verbeux d’Olivier Py [Festival d’Avignon 2017]

“Les Parisiens” verbeux d’Olivier Py [Festival d’Avignon 2017]

10 July 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Olivier Py présente en son royaume, “Les Parisiens”, la traduction sur scène de son roman éponyme. Sa pièce est à l’image de la faune qu’il caricature : verbeuse, superficielle et, par moment, géniale.

Non, vous n’avez pas la berlue. “Les Parisiens” ressemble beaucoup à “Orlando ou l’impatience, le précédent spectacle que le directeur du Festival d’Avignon présentait à la FabricA en 2014. L’auto-plagiat est-il grave ? Assurément pas ! Mais pourquoi alors, refaire et redire les mêmes choses, sur le même ton ?

Peut-être à cause d’un sujet qui peut sembler de prime abord léger, mais qui taraude celui qui avait été viré de la direction de l’Odéon en 2012 : comment en terres laïques et démocratiques, les enjeux de pouvoir restent le fait du prince ?

La question n’est pas idiote. Pour y répondre, Olivier Py nous invite à suivre la vie d’Aurélien (Emilien Diard-Detoeuf), jeune metteur en scène, minet du riche et célèbre Milo Venstein (Jean Alibert), mais amoureux de Lucas (Joseph Fourez), poète sombre. Il partage avec lui et un couple lesbien, Iris (Céline Chèenne) et Serena (Laure Calamy), un 15 m² sous les toits, dans un immeuble haussmannien.

Ce petit monde évolue dans un décor composé par Pierre-André Weitz, qui recrée sur scène une avenue parisienne, dont le bitume a été remplacé par un damier. Allégorie, un peu facile, du jeu qu’est l’entre-soi parisien.

La première partie est une leçon de théâtre brillante, où Py fait ce qu’il sait faire de mieux : diriger les comédiens dans des rôles borderlines. Sur sa route, Aurélien croise un collectif de putes, auquel sa colloc’, gouine et transsexuelle, Serena, participe. Cela offre au metteur en scène des opportunités de performances de travelos géniales. La muse d’Olivier Py, Philippe Girard, campe Ulrika, une allemande à la perruque blonde et au manteau de fourrure léopard. François Michonneau est lui parfait en maître SM 100% cuir.

Une autre chose magnifique que compte le spectacle, c’est l’esprit de troupe. Quelle joie d’entendre la voix de Mireille Herbstmeyer qui a joué dans toutes les tragédies grecques que Py a dirigées, merveilleusement dirigées. Elle est ici, Jacqueline, l’une des tireuses de fil des nominations, vêtue d’un tailleur poussin inégalable.

Dans cette première partie, les idées et les punchlines fusent, l’écriture est haletante, précise, même si, parfois, elle se répète. Parmi les prophètes, Pierre Bergé renommé “Laurent Duvergé”, est, comme l’original, en fauteuil roulant. Lui, pour qui le seul saint à vouer est “Saint-Laurent”, a dans ses mains le nom du prochain directeur de l’Opéra de Paris : Touraine (Moustafa Benaïbout) ou Sarazac (François Michonneau).  Mais c’est un don contre don, à la médiévale, et pour nommer le protégé du gluant ministre de la Culture, il faudra accélérer la création de sa fondation.

Tout s’achète ou se monnaie en branlette ou en cul au royaume des superficiels. Py décrypte parfaitement, et de façon très renseignée, les tractations qui font et défont des têtes. Il décrit très bien comment à Paris, entrer à une soirée est un enjeu important et comment le talent passe après le réseau.

Si la pièce s’était arrêtée là, nous aurions un bijou, où le potache et l’élégance dialoguent, où le sexe et l’intellect ne font qu’un et où la vulgarité est drôle. Il y a cette idée de faire grimper et jouer les comédiens dans les gradins qui est délicieuse, il y a cette direction d’Antigone foutraque, faite par Aurélien où Ismène porte un masque africain et où Antigone est de dos, débraillée et “imbibée” sur un frigo. On rit aux éclats, souvent. La caricature est ici très juste. En la transposant au théâtre, voix de ventre façon Comédie Française, cela ajoute de l’humour.

Mais, comme dans “Orlando”, la seconde partie s’effondre, pour les mêmes raisons. La pièce glisse dans une mystique catholique ennuyeuse à crever, où les monologues assomment. Le bien s’oppose au mal, la maladie gagne, la solitude règne. A avoir voulu être futile, à “être les rois du monde”, Aurélien et sa bande paient.

Il y a ces phrases magnifiques, comme “La beauté doit être punie”, qui sont noyées dans un flot incessant. En guise d’incipit du premier acte, il est écrit “Une étoile brille dans la nuit”, et pour le second, “L’étoile ne dit rien”. Et c’est ce qu’il se passe : un premier acte brillant et un second qui, à force de vouloir tout dire, est silencieux.

Informations pratiques :

Titre : “Les Parisiens

Auteur et metteur en scène : Olivier Py

Lieu : La FabricAL

Dates et horaires : Du 8 au 15 juillet 2017, à 15h

Durée : 4h45 entracte compris

LES PARISIENS – OLIVIER PY – (c) Pierre Lebon

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