Théâtre
Les impromptus #4 invitent les fantômes

Les impromptus #4 invitent les fantômes

03 December 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Au café A ce samedi, ça grouille de bobos. Entourés des oeuvres de Frédéric Raynal, plasticien disparu très prématurément, ils sirotent des cafés crèmes en feuilletant les livres en vente dans la librairie éphémère. Il faut dire qu’il fait froid, très froid, le temps idéal pour se glisser dans ces huit formes transdisciplinaires réunies par un fil… les fantômes…

C’est déjà la quatrième et comme le rappelle Ludovic Lamaud, l’un des chefs de file de la Compagnie des Treizièmes qui organise l’évènement, c’est un anniversaire, le premier. Alors dans la salle du couvent des Récollets, “customisée” par Avela Guilloux et Caroline Stella, où trône une mariée sans tête et une couronne mortuaire, tout le monde chante de concert “bon anniversaire les impromptus!”. L’ovation est méritée. Imaginez, c’est la crise dit-on et une compagnie de théâtre décide d’en rassembler d’autres autour d’un thème chaque fois différent.  Après décembre, hiver et  travail, c’est au tour des fantômes d’entrer en scène.

Le sujet est traité via la force du symbole en se confrontant aux résonances des relations que chacun entretient avec ses spectres. Beaucoup de médiums sont utilisés dans des performances inégales. Au coeur, jaillissent des bijoux. On retrouve Thibault Amorfini en Monsieur Belleville. Costume toujours improbable constitué d’un bonnet, d’une écharpe de foot, d’un jogging dont une seule jambe se faufile dans les chaussettes amenant aux Stan Smith. Il faut ça pour déambuler rue de Belleville en compagnie d’un mort, Alain Prique. Tout part d’un dessin de Valère Novarina, rien que ça, projeté où le nom de l’auteur méconnu est écrit. Il ère notre Monsieur Belleville croisant, oh surprise, des disparus revenus, vivants, visibles par lui seul, festoyant à foison. Normal, on est en octobre, c’est le mois de Halloween, le mois de la Toussaint. Dans cette performance bien menée les treizièmes se font raconteurs de belles histoires, cette fois ci,  ils nous embarquent dans la quête du souvenir d’un homme. Bonne pioche. Ce ne sera pas la seule.

On verra apparaître d’autres fantômes, dont l’un plutôt drôle pris à partie dans un duplex avec le théâtre La Loge. .. La loge fantôme. Lucas Bonnifait prendra peur et nous fera éclater de rire !

Il n’est pas bon de se moquer, alors, nous devrons frissonner aussi avec deux oeuvres théâtrales. Dans l’ordre, d’abord celle du collectif ADM qui dans une belle performance joue la carte du conférencier blasé. Il nous enseigne le mode de vie des Hikikomori, désignant ce syndrome psychiatrique qui pousse un être à vivre en totale réclusion. Pendant qu’il se confond avec son avatar, un dj mixe sa voix dans un son électro de plus en plus puissant. Ici c’est  à un fantôme vivant et volontaire que nous avons affaire. Être vivant mais mort en même temps c’est aussi le sujet de Sandre, par le collectif Denisyak. Solenn Denis  a écrit ce texte lors d’une résidence à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon,  dans un autre lieu de réclusion. Ici, on voit le comédien Erwan Daouphars, se transformer en femme prise dans un drame. Elle est là, avachie dans un fauteuil, le pied prêt à appuyer sur l’interrupteur d’un lampadaire d’un autre âge comme si il s’agissait d’une arme.  Elle raconte son histoire avec une petite voix, celle d’une femme que son mari ignore, trompe, qui fut belle mais dont les grossesses se cachent sous le gras. Cet enfant là, supplémentaire, fruit du hasard d’un relent de désir, elle n’en veut pas, elle le tuera.  Le récit est poignant, le comédien incarne totalement cette femme sans force.

Les formes courtes sont entrecoupées des magnifiques films d’Ugo Bienvenu qui se servent de l’animation pour dire les obsessions. Les corps sont forcement fantomatiques, les visages absents. Fragments montre des corps qui convulsent, Je t’aime nous présente un homme effrayé, tandis que Mushroom se place dans l’onirique d’un flou.

Au final cette quatrième édition vient interroger un sujet fondateur ce qui crée inévitablement des inégalités dans les propositions, mais il reste cette énergie et cette originalité qui font des Impromptus un évènements de plus en  plus incontournable de la scène spectaculaire. En changeant à chaque fois (partiellement) d’intervenants, et surtout de sujet, la compagnie des treizièmes a réussi l’impensable : créer en temps sinistre un objet théâtral inventif et pérenne. What else ?

Visuel : (c) Solenn Denis

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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