Théâtre
Les amis du Président au Théâtre du Nord : Luxure et trahison, désenchanter le rêve français

Les amis du Président au Théâtre du Nord : Luxure et trahison, désenchanter le rêve français

17 January 2012 | PAR Audrey Chaix

Sur scène, un décor de fin de soirée : des tables jonchées de bouteilles vides et de verres sales, des chaises en désordre, des bouchons jetés un peu partout. Tout le monde a quitté la fête, ne restent que deux hommes, deux vieux briscards de la politique dans un pays imaginaire où toute ressemblance semble bien trop appuyée pour être vraiment fortuite… Fraîchement intronisé député, Jonathan Mano (Thierry Gimenez) retient pour un dernier verre son ami et Ministre du Repli Identitaire, Blaise Padirac (Stéphane Wojtowicz), et le badinage mondain se transforme en joute verbale entremêlée de révélations et de scandales sordides.

Cela commence comme une comédie de boulevard : l’un s’amuse avec la sono de la soirée, l’autre prétend vouloir partir se coucher et finit par rester. Les restes de champagne coulent à flot, les langues se délient peu à peu, les masques tombent, et la vérité finit par se dire : l’un est là pour faire tomber la tête de l’autre, dans une trahison toute dénuée de loyauté orchestrée bien au-dessus d’eux. Agile et rusé, Thierry Gimenez est excellent en chef d’orchestre d’une curée dont il est le bras armé. Stéphane Wojtowicz joue avec une grande justesse le rôle de la bête blessée, oscillant entre révolte et résignation alors qu’il jette des chaises par terre avec fureur ou s’effondre sur une chaise en se remémorant un passé qui porte en germe les premiers pas vers la déchéance.

La première demi-heure, tout entière consacrée aux bons mots échangés entre deux hommes, avance le risque que courent souvent ces pièces centrées autour d’une discussion entre un nombre restreint de personnages : tourner en rond en ne se reposant que sur les estocs portés par le dialogue. Cependant, la trahison politique, qui joue à la fois sur les registres de la comédie et du pathos, permet d’éviter cet écueil en redonnant à l’intrigue un second souffle.

Le plus grand risque que prend cette pièce, finalement, c’est de reposer une grande partie de ses ressorts dramatiques sur une actualité brûlante : si le pays est imaginaire et les noms inventés de toutes pièces, difficile de ne pas reconnaître certains personnages de la vie publique contemporaine derrière un président de la République vexé que l’on fasse référence à ses talonnettes, un ministre du Repli Identitaire menant une politique d’immigration plus que contestable… Quelle sera la portée de cette pièce, écrite en 2010, dans 10, 15 ans ? La réponse s’esquisse dans les conversations glanées ça et là à la sortie du théâtre : le scandale sexuel qui cause la perte de Padirac fait écho à une autre sordide affaire de la vie politique française, sortie en mai 2011… On a les élus que l’on mérite, chuchote Pierre Pradinas, l’auteur de de diabolique thriller politique : cruauté, arrivisme et trahison rythment les saisons politiques, rejouant chaque fois la même chanson…

Auteur : Pierre Pradinas, Mise en scène : Alain Gautré, Avec Thierry Gimenez et Stéphane Wojtowicz

Photo : © Marion Staelens

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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