Théâtre
L’émerveillement des marionnettes sur eau du Vietnam

L’émerveillement des marionnettes sur eau du Vietnam

27 November 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

Du 22 au 26 novembre, La Villette accueillait dans son espace chapiteaux le Théâtre national de marionnettes du Vietnam avec son spectacle de marionnettes traditionnelles sur eau. Constitué d’une série de saynètes tirées du répertoire populaire, il était présenté dans un bassin monté pour l’occasion sous le chapiteau principal. C’est un spectacle somptueux, bien rôdé, qui mêle musique et manipulation experte de très belles marionnettes. Un grand spectacle, qui donne à voir un théâtre de marionnettes très différent de ce qui se donne habituellement sur les scènes occidentales. Il s’adresse autant aux curieux qu’aux spécialistes avertis.
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Le théâtre de marionnettes sur eau constitue une tradition ancestrale en Asie du Sud-Est, dont les origines remontent jusqu’à des périodes très anciennes de la Chine. C’est cependant un art qui a été ravivé particulièrement au Vietnam, où se trouvent maintenant les meilleurs maîtres, et d’où plusieurs compagnies de renommée internationale montent des tournées mondiales destinées à montrer cet art qui faillit se perdre dans le courant du XIXe siècle.

Ce qui impressionne, d’office, c’est le décor absolument somptueux qui entoure le bassin où les marionnettes vont évoluer. En effet, le plan d’eau est surmonté d’une pagode richement décorée, qui abrite les manipulateurs qui sont dissimulés aux regards du public par un rideau de bambous noirs. De part et d’autre de l’espace scénique liquide, des plateformes accueillent les musiciens qui vont accompagner le spectacle de morceaux de musique du répertoire de cheo (opéra populaire) avec leurs instruments traditionnels : cithare à seize cordes (dan tranh), un violon à deux cordes (dan nhi)… Le bassin, en plus d’occulter la manipulation – une sorte d’ensecrètement liquide – fait comme un effet de miroir aux lumières soignées et aux feux d’artifice employés dans certaines scènes, notamment pour figurer le feu du dragon sacré.

La tradition est ici le fil conducteur, sans qu’il soit d’ailleurs possible que nous puissions, faute de recul, savoir ce qui tient de la réinterprétation moderne et de l’adaptation pour des publics étrangers, et ce qui tient au contraire de la pure tradition populaire (les fameux phuong, sociétés de villageois qui ont perpétué cet art pendant des siècles). Les marionnettes, en bois peint, très finement sculptées, aux couleurs vives, sont montées sur des tiges de bambous immergées sous la surface de l’eau et animées à distance par des mécanismes cachés. Même si elles ne sont pas anciennes en elles-mêmes, l’humidité ne permettant pas une longue conservation, leur inspiration est, elle aussi, traditionnelle.

Les saynètes campent une succession de tableaux parfois mythologiques, parfois historiques, parfois s’attachant à décrire la vie des villageois dans les campagnes. Pas de fil narratif global, mais la succession des tableaux est tout de même construite: il y a une introduction, un point d’intensité dramatique culminant (batailles), un épilogue (une danse très gracieuse de huit marionnettes). L’ensemble est intéressant, mais malheureusement, faute de surtitrage et d’explications détaillées, certaines scènes restent complètement cryptiques si on a pas pris le soin de se renseigner en amont : ainsi de l’une des scènes centrales du spectacle qui campe une bataille entre des soldats chinois et des villageois vietnamiens, qui tourne à l’avantage des seconds. De même, les quatre animaux sacrés, lion, tortue, dragon et phénix, s’ils sont agréables à regarder évoluer en eux-mêmes, sont chargés de significations qui échappent au spectateur non averti. En définitive, les histoires qui sont les plus lisibles sont celles de la vie des campagnes, qui ont quelque chose d’universel, et qui suscitent d’ailleurs le plus de réactions du public.

Pour les amateurs de marionnettes, la manipulation est fascinante à découvrir: techniquement, on pourrait la dire équiplane, puisque les marionnettistes sont immergés dans l’eau jusqu’à la poitrine. Mais le fait que les marionnettes soient animées par l’entremise de longues tiges immergées leur donne certaines propriétés du jeu en élévation, avec un centre de gravité très bas et des mouvements chaloupés. La dextérité et la grâce avec laquelle les marionnettes sont animées pourra être appréciée par tous, de même que l’accompagnement joué par les musiciens.

Un spectacle beau, dépaysant, fort bien maîtrisé, qui ravira tous les publics.

La Maison des Cultures du Monde, qui a invité la troupe à se produire, prolonge leur tournée française avec 4 dates: le 5 décembre à Mougins, le 8 décembre à Sainte-Maxime, le 17 décembre à Marne-La-Vallée, et enfin le 20 décembre à Mulhouse.

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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