Théâtre
Le 13ème Art: un nouveau théâtre à Paris, mais pour quels publics?

Le 13ème Art: un nouveau théâtre à Paris, mais pour quels publics?

08 September 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

On en dit qu’il s’agit de la plus grande salle de théâtre ouverte à Paris depuis l’inauguration de Chaillot il y a 20 ans: le 13ème Art, porté par la multinationale québécoise du spectacle Juste Pour Rire, ouvrira ses portes le 26 septembre. Visite des lieux et tour d’horizon.

Plus qu’une salle de théâtre, le 13ème Art est carrément un complexe culturel à lui tout seul: avec deux salles de représentation (jauges de 900 et 130 fauteuils), un bar-restaurant, un studio d’enregistrement, une salle d’échauffements, le projet est ambitieux. Il n’en faut pas moins pour les fondateurs de ce lieu implanté au sein du centre commercial Italie 2, qui ont fait le pari de l’ériger en référence incontournable du Sud parisien. Effectivement, loin de la zone d’implantation du Monfort, pas franchement sur le même créneau que l’Odéon, l’équipement, s’il réussit à séduire les riverains, pourrait trouver son public de quartier.

Il faut dire que la Grande Salle est impressionnante: 20m d’ouverture, 12m sous cintres, il y a là de quoi représenter des spectacles de grande envergure. Le plateau a la particularité d’être de plain-pied avec le premier rang de fauteuils, les spectateurs se retrouvant alors en prise directe avec les artistes. L’espace est bien pensé, sans angles morts et autres poteaux, et les sièges sont tout-à-fait confortables: des conditions parfaitement adéquates, donc, à passer un excellent moment.

Mais ce qui importe surtout, évidemment, plus que d’être bien assis – encore que cela conditionne beaucoup la bonne réception d’un spectacle – c’est la programmation en elle-même, et donc les artistes qui se produiront sur cette belle scène toute neuve. Olivier Peyronnaud, directeur du futur lieu, ancien directeur de la Maison de la Culture de Nevers, a affirmé une exigence dans la qualité des spectacles présentés, entre éclectisme et volonté d’ouverture. Un brassage à la fois international (en invitant des artistes de réputation mondiale mais peu ou pas connus du public français), disciplinaire (le théâtre côtoiera le cirque, la musique alternera avec les one-man-shows), et social (les spectacles “populaires” n’excluront pas la présence de propositions plus “pointues”). Si l’invocation de la volonté de transcender le clivage théâtre public/théâtre privé est louable, il constitue une forme de passage obligé dans toute ouverture d’un nouveau théâtre, et il faudra l’éprouver à la réalité concrète du fonctionnement du lieu.

Pour l’instant, la première saison trahit une prise de risque assez minimale – mais peut-on en attendre autrement d’une salle privée ouverte au prix d’investissements importants, qui a besoin de trouver son équilibre? On trouve donc à l’affiche surtout des poids lourds, déjà éprouvés en France, ou au moins à l’étranger: Arturo Brachetti, Anne Sylvestre, James Thierrée, Rachid Badouri, Cirque Eloize, Lotfi Abdelli… On y trouve aussi Romane Bohringer dirigée par Pierre Pradinas ou Bérénice Bejo dansant avec Sylvain Groud, comme une variation sur une base tout de même très populaire. On y découvre même quelques mesures de poésie, avec un spectacle de Philippe Genty. Côté prise de risque, de très jeunes comédiens dans un Misanthrope… programmé à 14h30, ou un one-man-show de Glibert Rozon… qui n’est autre que le fondateur de Juste Pour Rire, et donc, indirectement, l’exploitant de la salle. Autre audace: associer pour un soir Gérard Depardieu au Philarmonique de Prague, pour le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns… surprenant!

On le voit, le 13ème Art fera la part belle à des productions étrangères, ce qui, après tout, est plutôt une bonne nouvelle si cela permet au public francilien de découvrir de nouveaux artistes. Il semblerait que cette première saison privilégie l’humour et le spectaculaire, ce qui devra s’éprouver dans le temps. Surtout, on nourrit quelques inquiétudes quant au mode de fonctionnement du lieu, guidé par la recherche de la rentabilité: avec la promesse de près de 1000 levers de rideau par an, c’est 2 à 3 spectacles par jour qu’il faut programmer, avec une rotation rapide des spectacles dans la même soirée, un peu sur le modèle de Bobino…

Les 13 premiers jours, qui font comme un gala d’ouverture, seront l’occasion de tester la salle en conditions réelles, et de mieux cerner l’esprit du lieu: débutant le 26 septembre par un “plateau Juste Pour Rire”, il enchaînera sur des visites, des ciné-concerts, les premières de nombreux spectacles programmés à l’automne…

Prochaine ouverture, pour le milieu du théâtre parisien: celle de la Scala, prévue pour juin 2018.

Visuel: (c) Mathieu Dochtermann

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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