Théâtre
“Kant”, beau parcours au croisement des arts et des mondes

“Kant”, beau parcours au croisement des arts et des mondes

23 February 2017 | PAR Geoffrey Nabavian

En ce mois de février, au Théâtre Paris-Villette, ce spectacle à la forme très ambitieuse a su déployer ses univers, et mêler les techniques numériques et théâtrales d’une belle façon, à la fois brillante et malicieuse.

[rating=4]

960-emilie-annaKant est le nouveau spectacle, destiné entre autres au jeune public, de l’équipe de la compagnie Ex Voto A La Lune, menée par Emilie-Anna Maillet. Une fois les lumières éteintes, une chambre mystérieuse commence à se matérialiser devant nous. Et d’entrée, on convoque nos souvenirs du travail de la compagnie sur la pièce Hiver, une mise en scène créée à la Ferme du Buisson en janvier 2012 : on se rappelle, par exemple, de lits mobiles, occupés par des êtres fébriles. Et surtout, d’images numériques en mouvement, qui se superposaient sur les interprètes, comme des projections mentales de leurs personnages, ou de leurs univers intérieurs, ou extérieurs… Dans Kant, on retrouve ces éléments, tout de suite. Mais avec, à leurs côtés, des moments physiques très marquants. Parfois dignes de jeux d’enfants. Des passages à la fois touchants et, peut-être, effrayants…

Le lit que nous avons devant nous, donc, est occupé par Kristoffer, gamin qui “a école le lendemain” mais qui, pour l’heure, se pose des questions tranchantes sur l’univers. A-t-il un bord ? Y a-t-il un géant tout au bout ? Lui, petit garçon, n’est-il qu’une part du rêve de cet être fantastique ? Que fait son père dans toute cette histoire ? Que fait sa mère ?… La pièce, écrite par Jon Fosse – auteur d’Hiver également – est excellente : son écriture concentrée et souvent obsédante amène son interprète à s’engager à mort en elle, et à visiter ses propres abîmes à lui. Et, chance : à l’interprétation, on retrouve, en quasi solo, le grand Régis Royer, comédien à la très belle carrière, connu des spectateurs des théâtres publics. Incarné en lui, Kristoffer devient clown fébrile, parfois triste, souvent fiévreux.

Le ton du spectacle, entre plusieurs eaux, étonne beaucoup. Mais c‘est le dialogue entre images vidéos hyper étudiées et travaillées et techniques théâtrales qui marque, surtout. Dans cet espace réduit, découpé avec précision en forme de boîte noire, les fondus prennent par exemple un sens marquant : ils épousent le rythme du texte, et aident à le transmettre, en quelque sorte. La mise en scène touche énormément lorsqu’elle fait se croiser les images numériques et les artifices théâtraux : dans cette chambre aux murs faits de vidéo, un petit avion ou un ballon en plastique volent soudain, comme tenus par des fils depuis les cintres. A un autre moment, les lampes du gamin Kristoffer se mettent tout à coup à “rocker”, à faire vibrer leurs ampoules jusqu’à produire de la musique. Le lit, omniprésent, se lève à la verticale… Et lorsque le petit héros, qui a vu tout un firmament envahir sa chambre, évoque le géant, et qu’une constellation se constitue dans son dos, figurant un grand double couché à l’autre bout de l’univers, on s’émeut que la mise en scène, riche en procédés, dialogue de cette manière avec le texte.

Kant from Maxime Lethelier on Vimeo.

Visuel : © Maxime Lethelier

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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