Théâtre
James et Duras dans les lumières de Celie Pauthe

James et Duras dans les lumières de Celie Pauthe

02 March 2015 | PAR Amelie Blaustein Niddam

L’artiste associée depuis la saison 2011/2012 aux côtés de Stanislas Nordey et Galin Stoev au Théâtre National de la Colline est également depuis 2013 la directrice du Centre dramatique national de Besançon. Elle ne lâche pas le plateau, au contraire, car elle offre une fusion réussie de deux textes : La bête dans la jungle d’Henry James, d’après l’adaptation théâtrale de James Lord, traduite en français par Marguerite Duras et La maladie de la mort, cette fois, pleinement de Duras. Magnifique.

[Rating = 5]

Les collages de textes au théâtre peuvent souvent apparaitre indigestes, même chez les meilleurs (Py ou Warlikowski). L’inquiétude qui prévaut au spectacle qui apparaît long, 2H20, s’effacera en un éclair. Un éclair, tient, déjà ici de la lumière. Elle est pensée par Sébastien Michaud et, elle est l’actrice merveilleuse de ce deux en un.

Nous sommes au château, dans la banlieue de Londres, en 1903. Catherine (Valérie Dreville) vêtue d’époque fait visiter  les lieux, ancêtre par ancêtre à John. Alors qu’ils se retrouvent seuls, il réalise qu’il l’a déjà rencontrée avant cette date. Elle, contrairement à lui n’avait pas oublié leur orage italien.  A partir de ce jour, ils passent une vie d’amitié ensemble à passer à côté de leur amour.

“Ainsi cependant vous avez pu vivre cet amour de la seule façon qui puisse se faire pour vous, en le perdant avant qu’il ne soit advenu.” lui dit-elle un jour. Ils ont des rendez-vous qui leur feront traverser les ans, dans un pas de deux archétypal de l’œuvre de l’américain so british Henry James. Comme toujours chez lui, la société empêche, les amours se font mortes avant que d’exister. Les choses semblent évidentes mais le carcan de la bourgeoisie d’avant la Première Guerre Mondiale empêche. Dreville est ici un monument de jeu. Parfaite est le mot juste pour cette performance faite de tirades à deux voix qui sont en fait une alternance de monologues, quand John (John Arnold) bute et hésite, elle déroule un texte sans en avoir l’air avec une dose d’insolence et de distance. Pauthe donne à cette pièce une autre version du Clôture de l’Amour de Rambert. Ici l’amour n’a pas vécu et pourtant, Catherine doit l’arrêter avant de mourir. Lui est homme vide qui court après le fantasme d’une vie héroïque. Lui, qui dans l’épilogue que constitue La Maladie de la mort qui apparaît ici comme l’évidente suite, dans le futur de la Bête dans la jungle, est un homme au cœur encore plus dur que la pierre. L’histoire est folle, autant que le jeu et l’écriture, faisant de cette seconde partie, si on peut la nommer ici, une masterpiece d’avant-garde

20 ans séparent les deux textes de Duras. Le temps est ici respecté et la notion de son passage est stylisée par le ballet d’un changement de décor de toute beauté où l’élégance prime sur l’efficacité. Une lampe devient art-déco, et plus tard, un pantalon remplace la longue robe en taffetas noir. Le changement des saisons se déroule sous nos yeux emplis de beauté; La lumière se fait latérale, venant chercher l’idée du secret, du caché. Sans trop en dire, disons que La maladie de la mort raconte comment un homme se loue les nuits d’une femme (Mélodie Richard) pour tenter de désirer.

Face à la sècheresse des sentiments de l’homme, la mise en scène  qui offre un plateau chaleureux où l’océan s’invitera même, donne à l’amour sa place dans la filiation théâtrale. Amours contraintes, blessées, insoumises. L’amour heureux ne fait pas de belles pièces. Le désir mort fait des drames somptueux à l’esthétisme happant.

Visuels :Théâtre de la  Colline

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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