Théâtre
#Interview : Marie s’infiltre tendrement au théâtre

#Interview : Marie s’infiltre tendrement au théâtre

12 November 2017 | PAR Eloise Sibony

Connue sous le nom de ” Marie s’infiltre ” grâce aux vidéos humoristiques qu’elle poste sur les réseaux sociaux, cette dernière est désormais sur les planches du Théâtre Les Feux de la Rampe tous les mercredis soirs, jusqu’au 27 décembre pour un spectacle touchant et énergique. Elle raconte pour TouteLaCulture son parcours et ses ambitions. 

Quand Marie s’infiltre résume son parcours, elle confie que “tout est un peu arrivé par hasard”. Amoureuse des lettres et passionnée par la politique, elle débute ses études par une classe préparatoire littéraire et les poursuit en droit à Assas avec la volonté et l’ambition d’entrer à l’ENA. À l’instar d’une une fiction, Marie va par hasard s’inscrire au Cours Florent où elle effectue un stage. Véritable coup de foudre pour la jeune comédienne. Elle découvre un art, et décrit cette rencontre comme “une crise”, à priori existentielle. Rapidement elle doit choisir entre ses études et l’art dramatique. Le théâtre remporte la bataille… Son hasard fait bien les choses.
Rencontre et conversation avec Marie s’infiltre.

Comment le concept de Marie s’infiltre a commencé et peux-tu nous l’expliquer?
Marie : J’ai fait ma première vidéo sur un camp de migrants qui doit ouvrir dans le 16ème arrondissement. J’avais appris que la mairie avait comme projet de construire un camp pour migrants et je me suis dit qu’il fallait en faire quelque chose tellement les réactions ont été absurdes. J’envoie ma vidéo à un monteur et il en fait quelque chose de vraiment pas mal. Petit à petit je fais d’autres vidéos, et construit le concept de Marie S’infiltre. L’enjeu, c’est vraiment d’en faire une satire sociologique de la France au 21ème siècle. Je veux faire un panel de tout ce qu’il y a de plus ridicule aujourd’hui dans cette France. C’est ça le projet. Ça a commencé à prendre de l’ampleur, je ne m’attendais pas à un tel buzz.

Est ce qu’il y a une manière spécifique d’opérer, de travailler et tourner pour Marie S’infiltre?
Marie : Je travaille toute seule, je ne supporte pas l’autorité et pour les vidéos j’ai un acolyte. J’ai une entente incroyable avec lui. Dès qu’il s’agit de travailler avec une autre personne c’est toujours compliqué pour moi, donc mon objectif c’est d’être indépendante sur tout. Pour le moment je n’ai rencontré personne qui a les mêmes ambitions et la même force de volonté que moi. Je ne travaille pas avec des gens qui me disent que c’est impossible. Je pense que ma force ça a vraiment été ma persévérance à des moments un peu critiques.
Pour mes vidéos, je tourne en caméra cachée quand je n’ai pas d’autres choix. J’adore être en caméra ouverte, c’est beaucoup plus agréable. Les gens sont au courant, la caméra est là, moi je ne suis pas là pour les piéger, je plante le décor. Pour mes vidéos plus elles sont spontanées et courtes, mieux c’est. Quand c’est dans la joie et pas dans un mécanisme on travaille mieux. On est deux et on a conscience qu’il faut créer une bonne atmosphère, être enthousiaste, faire les choses rapidement.

Si certaines personnes ne captent pas que tu es Marie s’infiltre, en revanche ils comprennent que tout ça c’est une vanne, que tu te moques d’eux? Comment on deal avec cela?
Marie : Très souvent. C’est pour ça que je n’ai pas la sensation de faire du mal. Évidemment je me moque, je me moque de moi-même, je me moque d’eux mais je ne vais pas humilier les gens. Jamais. Et si ça arrive, car forcément parfois il y a des petits dérapages, je viens m’excuser. Il y a des valeurs à respecter. Puis dans le personnage de Marie s’infiltre il y a une sorte de gaîté qui est attachante, elle est bienveillante. Souvent je finis par rigoler avec les gens que j’interview. Dans mes vidéos, il y a des sujets beaucoup plus touchy que d’autres, mais finalement ce n’est pas ceux auxquels on pense. On pourrait penser que ma vidéo sur le Front National «Marine 2017» a suscité beaucoup de réactions et finalement je me rends compte que le FN n’est pas un sujet si touchy. Par contre, bizarrement la vidéo que j’ai faite sur les boîtes, j’ai eu une tonne de messages de videurs, de filles que j’avais interviewée, les gens sont devenus fous. C’est très intéressant. Cependant, il y a un principe que je m’impose c’est de ne pas être amadouée, je ne joue pas à l’affect. Le projet engage ce sacrifice-là, c’est comme ça «si vous tombez, vous tombez».

Comment choisis-tu les endroits où tu t’infiltres?
Marie : Je ne veux pas tomber dans l’image de la fille qui dénonce, je fais des choix. Quand je vais dans des endroits je décide de me libérer de tous mes préjugés, si je n’en suis pas capable dans certains endroits alors je n’y vais pas, car je n’ai pas à montrer ça publiquement.

Tu passes de la vidéo à la scène. Au théâtre, tout est vrai? La Marie s’infiltre qui est mise en scène, c’est toi?
Marie : Tout part d’une vraie base autobiographique, je n’ai pas inventé un personnage comme ça. Marie s’infiltre ça a vraiment été un exutoire dans ma personnalité, car avant ça c’était un peu compliqué. Je suis profondément une incruste, j’ai plein de rôles dans ma vie, on peut me découvrir sous une multitude de facettes. Ça s’est beaucoup atténué depuis que je fais et joue Marie s’infiltre, car avant j’avais besoin d’exprimer beaucoup de choses différentes. Grâce à ce personnage aujourd’hui, j’extériorise.
Dans mon spectacle on retrouve différents personnages. Quelques fois ça manque de cohérence sur mon identité. Quand j’ai commencé à écrire le spectacle, c’était tellement dur de se mettre à nu que j’ai été assez pudique au début sur l’écriture, j’inventais plusieurs personnages qui étaient en fait une couverture. Petit à petit, le spectacle se rapproche de qui je suis au fur et à mesure des dates.

Tu termines ton spectacle sur une note très intense, assez intime. Tu récites un monologue de Don Juan. Le théâtre classique c’est quelque chose qui te plaît?
Marie : C’est mon rêve. J’apprécie plus le théâtre classique. Mais aujourd’hui, c’est beaucoup plus accessible de passer par l’humour. Je n’aurai jamais supporté d’être dans une compagnie, une troupe et de galérer. La galère dans ma vie, j’évite. Quand j’ai décidé de faire ce métier, qui a été une décision cruciale, je me suis dit que je le ferai si ça marche, et à l’inverse je ne veux pas souffrir. Il y a de la persévérance et beaucoup de travail dans ce que je fais, mais je ne suis pas la «vraie artiste».

Quel projet d’avenir pour l’incruste et Marie s’infiltre ?
Marie : Marie s’infiltre il va falloir la tuer pour me faire exister. Je veux que mon vrai nom un jour existe, donc inévitablement je la tuerai pour faire quelque chose de plus grand, plus beau, plus ambitieux. Aujourd’hui je pense sincèrement que pour moi ça marchera que si j’ai une visibilité et une légitimité qui me permet de m’imposer telle que je suis sans qu’on me mette des bâtons dans les roues. Ce n’est pas encore le moment mais petit à petit j’y arrive. Le spectacle est déjà une avancée.
En revanche, l’incruste je la conseille et je l’admire énormément. Elle permet de te libérer de l’orgueil. Tu n’as pas besoin de prouver qui tu es. Ce qui compte c’est de réussir et savoir réussir.

4da9d7ae-c276-4659-9a2a-d00e974c249dMarie s’infiltre est tous les mercredis 20h au Feux de la Rampe – 34 rue Richer – 75009 Paris

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